Le Café Littéraire  / Entre Variations et Obstination avec Françoise Ascal
 

 

 

        La phrase dont je parle est nue, inutile, perdue d’avance autant qu’obstinée à vivre.

… séjour, dégagé de la glu du quotidien qui poisse les mains, qu’on le veuille ou non, qu’on sache ou non que rien ne se passe loin de lui/hors de lui.

                                       Françoise Ascal, Un rêve de verticalité

 

      Absurdité à persister à tenir un journal et à rêver la nuit aux moyens de le détruire pour que personne ne le lise après ma disparition.

Françoise Ascal, L'obstination du perce-neige

 

       De plus en plus dessaisis de nous-mêmes, de notre destin, nous sentons confusément que les vieux parapets sautent. Qu’en est-il de ces fameuses « lois éternelles » qui ont prévalu durant des millénaires en construisant dans nos inconscients une cosmogonie rassurante
       Post-humain, trans-humains, cyborgs, avatars, clones, intelligence artificielle…
       Réalité augmentée, disent les scientifiques.
       Fortement augmentée, oui. En automatismes, en simplifications, en réductions de conscience.

 Françoise Ascal, Un rêve de verticalité

 

      Saint Colomban venu d’Irlande au VIe siècle est-il monté jusquvici en voisin, lui qui fonda plusieurs abbayes dans la région ?

Françoise Ascal, Un automne sur la colline

 

       Glébeuse moi-même, faite d’argile et de vent. Mais riche d’humus, de racines, de mémoire vive.
      
Et je loue Le Corbusier d’avoir usé de son béton comme d’une terre de potier, à modeler, tourner, lisser...  « Un vase de silence et de douceur »…

Françoise Ascal, Un automne sur la colline

 

« humain, humus, humilité »

Françoise Ascal, Variations-prairie

 

J’attends l’hiver à venir, Simon
Debout.
Campée sur de solides incertitudes.
(...)
Irriguée par une joie timide, mais irrépressible,
— et pointent les perce-neige en février !

      Ce qui dure serait plutôt ce qui efface.
      Ce qui dure ne dure même qu’en effaçant.

Françoise Ascal, Un automne sur la colline

 

décembre 2017

      Je salue l’obstination du perce-neige, bulbe confié à la nuit.

Françoise Ascal, L'obstination du perce-neige

 

      Adèle ne demande rien. Juste d’aller le retrouver. Juste ça. Ne pas vivre trop longtemps. Le rejoindre vite. Son aimé. Son soldat mort dans l’autre guerre, la der des der alors qu’elle n’avait que trente ans. Son inoubliable. Son unique. Le père de ses deux enfants.
      (...)
      Tenir est le maître mot de sa vie.

Françoise Ascal, Un automne sur la colline

 

      Tout fuit dans la métamorphose
       (…)
       Toi seule ne varie pas

Françoise Ascal, Lettre à Adèle

 

Cher Simon,

       En ce premier jour de septembre, j’ai décidé de t’écrire.
       C’est à toi que je m’adresserai au long de ce périple, sachant que tu ne me liras pas, que tu es et resteras cet inconnu dont j’ignore presque tout, mort déjà, alors même que je venais de naître.
       À vingt ans, tu es tombé. (...) Oui, à flanc de colline, à quelques mètres sans doute de La Chapelle bâtie sur le sommet, ton sang s’est répandu.
       J’entends le fracas du combat.
       (...)
       Tirailleur sénégalais, Simon, voilà que tu étais, aux confins des Vosges et de la plaine d'Alsace, au seuil de la trouée de Belfort, dans un piège à rat où les combats font rage, à l'ombre d’une Vierge Marie épuisée, j’imagine, par ses veilles inutiles, une Notre-Dame du Haut devenue sourde, aveugle, autiste, hébétée elle-même de douleurs, je veux le croire, regards perdus sur la fameuse ligne bleue des Vosges.

Françoise Ascal, Un automne sur la colline

      Aujourd’hui, des milliers de touristes s’engouffrent sur le sentier devenu route goudronnée, et des cars empli de japonais, d’américains, d’allemands accèdent à l’immense parking en toutes saisons.
       Aucun ne vient pour toi, cher Simon.
       Mais pour Elle.
       Elle.
       La blanche, la rayonnante, la miraculeuse.
       Elle. La Chapelle de Le Corbusier. La Chapelle du toqué. La Chapelle invraisemblable, née de la contemplation d’une coque de crabe renversée.

Françoise Ascal, Un automne sur la colline

 

Je vous écris du haut d’un promontoire de cinq siècles
un promontoire sans horizon
cerné de barbelés
de miradors
de drones survolant des terres occupées des villes détruites
un promontoire habité par des luttes fratricides
gouverné par des appels aux meurtres
de votre siècle au nôtre l’humanité n’a pas grandi

  Françoise Ascal, Grünewald, le temps déchiré

 

      Une voix venue du Nord — celle de Pär Lagerkvist — oubliée et muette depuis presque un demi-siècle, me souffle au visage sa prière du soir :

       Que l’angoisse de mon cœur jamais ne se retire
       Que jamais je n’aie la paix
       Que jamais je ne me réconcilie avec la vie, non plus qu'avec la mort
       Que ma route soit sans fin, vers un but inconnu.

Françoise Ascal, Un automne sur la colline

 

Est-ce que la lampe est un ventre?
Est-ce que la lumière est ronde?
Est-ce qu’elle enferme et cache le monde, le lointain désirable, juste derrière la table lorsque minuit règne?
Est-ce que la lampe est un œuf à l’intérieur duquel je tourne, vire et cogne?
Est-ce que j’attends de naître?

Françoise Ascal, Entre chair et terre

 

6 janvier 2013

      Travail de lumière jusqu’au bout. Même s’il ne s’agit que de lueurs.

Françoise Ascal, Lobstination du perce-neige

 

      Cette nuit dans l’insomnie, une évidence : je dois travailler sur le retable d’Issenheim. Il façonne l’une des plus impressionnante icônes de la douleur et dans le même temps affirme le pouvoir thérapeutique de l’art, sa force agissante, rédemptrice.

Françoise Ascal, Lobstination du perce-neige

 

Mathis Grünewald
étiez-vous déjà
entre tous
le grand malade
et le suprême savant

  face à l’intraitable réel
viendront d’autres horribles travailleurs
à leurs tours
ils arracheront quelques fragments
à la carte de l’être

Françoise Ascal, Grünewald, le temps déchiré

 

radical affamé
vous vouliez un art plus grand que l’art

  un art qui entre dans le sang
irrigue fibres nerfs tendons

à travers une simple filasse
tendue sur une carcasse de bois
un art capable de changer la vie
un art qui guérisse

Françoise Ascal, Grünewald, le temps déchiré

 

Accueil  /  Calendrier  / Retour à la liste            
 
  Expositions  /  Rencontre  Auteurs  /  A propos  Entretiens