Le Café Littéraire / La Littérature nordique

De l’amour idéal, de l’amour d’âmes, la littérature suédoise et même scandinave dans son ensemble n’a jamais cessé de parler. C’est une de ses tentations invincibles, elle est congénitalement ainsi, il y a dans les lacs, les forêts, les montagnes, les glaces, les neiges, l’air surtout dont la cristalline limpidité défie toute comparaison, et qui sont si intimement accordés à l’inspiration nordique, un frisson d’absolu, de pureté, de transparence, disons d’évidence qui transperce à tout moment, du Chant de Rêve médiéval norvégien et de Sainte Brigitte à Lagerkvist en passant, au hasard, par Swedenborg, Kierkegaard, Ibsen, Obstfelder, Strindberg, tant d’autres.
(…)
Je redis qu’il y a une grande connivence entre le paysage nordique, physique et mental, et l’univers où nous entrons dès que nous ouvrons un livre de Lagerkvist. Car enfin, tant de clarté accable, il faut que cette désolante simplicité cache quelque chose – un peu comme il faut qu’il y ait autre chose derrière les innocentes histoires, aujourd’hui d’un Villy Sorensen (Danois) ou les fausses cocasseries d’un Thor Vilhalmsson (Islandais) sans parler des apparentes naïvetés d’un Tarjei Vesaas (Norvégien) : tous, ils ont le mérite de nous laisser sur notre attente – une attitude qui ne plaît guère à des Latins férus de bonnes et solides explications rationnelles, mais qui les fascine, immanquablement.

Régis Boyer, introduction à Âmes masquées de Pär Lagerkvist...
 

Innombrables sont les oeuvres scandinaves qui m'imposent la citation de la célèbre phrase de René Char : « La réalité n'existe que soulevée ».
Je crois bien que, par excellence, elle s’applique aux œuvres de Vesaas. Et je reviens aux sagas islandaises : les délicats ou les hypercivilisés décadents pourront toujours dédaigner ces histoires de travaux de ferme, de cafetière sur le feu, de chevaux embourbés, de truies en gésine ou de linge à épandre, tout comme il n’est pas de saga sans sombres querelles autour de foin que l’on fauche ou de mouton que l’on parque. Ils passeront à côté de l’essentiel : il y a un cœur qui bat sous la pierre, la cime desséchée d’un bouleau mort dans la forêt est un signe, un signal, une cascade de glace y fait un temple si merveilleux qu’il va de soi qu’un menu corps de fillette s’y offre volontairement en holocauste.  

Régis Boyer, Numéro 25-26 de la revue Plein Chant consacré à Tarjéi Vesaas.

 

 

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