Le Café Littéraire luxovien / Les Petites fugues 2004 :

 

Sur le thème : Le temps, la nuit 

 

 

 




 

 

 

 

 

 

 

 

Rencontre avec Brigitte Giraud

 

Brigitte Giraud à Champagneyl©Alain Jean-André
De gauche à droite : Brigitte Giraud et Martine Mouhot 
Photo : Alain Jean-André 

   

La médiathèque de Champagney recevait l'auteur Brigitte Giraud 
pour une Lecture-rencontre
le 26 novembre 2003 à 18h,
avec l'aide du CRLFC,
dans le cadre du Festival itinérant : 
Petites fugues 
en littérature contemporaine.  

Marie-Françoise :

Brigitte Giraud a commencé par lire un extrait d'un de ses livres. J'ai été frappée par la rapidité de sa lecture orale. Elle avouera ne pouvoir s'astreindre à lire lentement, posément, en mettant le ton comme les comédiens. J'ai compris pourquoi en lisant "Marée Noire" son dernier ouvrage.
Ce livre, comme tous ses livres j'imagine, se lit vite, très vite. Tant les phrases, courtes, se suivent, rapidement, dans la description incessante des actions et des choses. Et s'enchaînent, et le rythme s'accélère. Son écriture est tranchante, ses phrases comme coupées au "couteau" a remarqué Dominique Bondu, le directeur du CRL qui l'accompagnait. Je dirai plus, comme coupées au hachoir, dans un débit rapide. Le ton est grave, du à son thème. Le livre se lit dans une certaine frénésie, celle de savoir où nous mènera la narratrice, sans pourtant qu'il se passe vraiment quelque chose. On avale les phrases comme on avalerait des chocolats, l'un après l'autre, sans pouvoir s'en empêcher, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus, jusqu'au point final. Une de ses formules :"Tu tenais le volant entre tes mains comme tu tenais notre destin". 

Je suis restée sur cette idée d'une vie à cent à l'heure et d'une femme qui aime se battre avec les mots, les phrases, le rythme, la vie, transformer et distordre le réel. Car pour Brigitte Giraud "écrire est une des seules expériences humaines qui ne soit pas dans la soumission". Elle aime la sensation de tension éprouvée en écrivant. Elle ne sait pas où elle va quand elle commence un livre. C'est la lecture de " Requiem 1900 " de Calaferte qui a déclanché son écriture.

Elle ne se classe pas dans la littérature dite "féminine", synonyme pour elle de mièvrerie. Petite fille elle aurait aimé être un garçon. Elle ne prend pas le temps de s'amollir, ni de s'attendrir sur elle-même. Même lorsqu'elle subit des coups durs comme le décès de son compagnon qui fut matière à l'écriture de son livre " À présent".
Elle dit : "La douleur n'est pas que douloureuse, elle est signe aussi que l'on vit.", et constate : "La mort de l'autre n'empêche pas de vivre, l'amour n'empêche pas l'autre de mourir, et vous pouvez demeurer en vie après cela", chose qu'elle trouve scandaleuse.
Elle confie avoir écrit ce livre pour se réapproprier l'histoire qu'elle a dû subir un peu comme une autre au moment du décès, une sorte de schizophrénie.


Ses premiers livres avaient pour narrateur des personnages masculins, pour mettre une certaine distanciation entre elle-même et son personnage. Dans Marée Noire, même si Brigitte Giraud fait s'exprimer une narratrice, elle a inversé les rôles, la narratrice a pris la place d'un possible nouveau compagnon face, peut-être à son attitude à elle dans la vie, qu'on devine être celle du veuf. Elle ne sort pas de son histoire. 
Ses livres en général interrogent sur la fragilité des hommes confie-t-elle encore. Et lorsqu'on lui fait remarquer l'absence de dialogue, de communication entre les personnages, elle rétorque qu'elle ne sait pas les écrire, mais qu'il y a tout de même dialogue puisqu'un livre est "un long monologue adressé à... ", elle ne précise pas à qui. 
Il est vrai que quelque part, on écrit toujours pour quelqu'un.

 

 

 

Rencontre avec Thierry Beintingel

 

La bibliothèque de Fontaine lès Luxeuil recevait  l'auteur Thierry Beinstingel 
pour une Lecture-rencontre, le 27 novembre 2004 à 10h30,
avec l'aide du CRLFC, dans le cadre du Festival itinérant : 
Petites fugues en littérature contemporaine.


Thierry Beinstingel à Fontaine les Luxeuil©Alain Jean-André
Au centre Thierry Beinstingel  ;  Photo : Alain Jean-André 

 

 

 

Rencontre avec Jean-Michel Olivier

 

Jean-Michel Olivier à Luxeuil©Alain Jean-André
Jean-Michel Olivier à Luxeuil ; Photo : Alain Jean-André 

     

Le Café Littéraire luxovien
 recevait l'écrivain Jean-Michel Olivier
le 24 novembre 2004 à 20 heures,
pour une Lecture-rencontre,
  à la Bibliothèque Municipale
 de Luxeuil-les-Bains,
 avec l'aide du CRLFC,  dans le cadre des Petites fugues en littérature contemporaine.

Marie-Françoise :

Dès son entrée dans le hall de la bibliothèque municipale, ancienne maison du Bailli et monument historique de Luxeuil qui date des XV ou XVIème siècle, et avant qu'il ne prenne place, les personnes venues à cette lecture rencontre ont pu remarquer que Jean-Michel Olivier était un grand écrivain, ne serait-ce que par sa taille. 

Les larges passages que celui-ci a lus n'étaient peut-être pas des plus accrocheurs, mais ils reflétaient une écriture menée dans la complexité où les pages passées et futures sont nécessaires à la bonne compréhension de l'ensemble. Où le "point" se fait pour le lecteur, petit à petit, au fil des pages, un peu comme en photographie.  Procédé et thème cher à Jean-Michel Olivier.  
Pour se retrouver dans cette complexité, l'auteur part d'un plan conducteur, qu'il lui arrive de bousculer en cours d'écriture. Comme dans Nuit Blanche, cette folle nuit du changement de millénium où l'imprévisible le plus fou pouvait arriver. Lui même arpenta Genève cette nuit là et observa les comportements de noctambules qui inspirèrent son roman, écrit lui aussi de nuit, exceptionnellement, car habituellement Jean-Michel Olivier préfère écrire le matin. 
L'on trouve donc des photographes dans pratiquement chacun de ses livres, et des considérations d'ordre philosophique sur l'art qu'ils exercent. 
Photographes étaient ses deux grands-pères: l'un, photographe professionnel attitré de Mussolini, qui eut, en quelque sorte, un rôle historique, l'autre, paradoxalement presque aveugle, -et Jean-Michel Olivier avoue que le problème de la cécité n'a pas manqué de le préoccuper. 
Il écrit dans Nuit Blanche : " la photo est elle autre chose qu'un éloge de la disparition...".

Avec le mot "disparition", on se rapproche d'un autre thème cher à Jean-Michel Olivier, celui des fantômes, n'a-t-il pas écrit un mémoire de licence intitulé: "Lautréamont :Le texte du vampire".?

Si Jean-Michel Olivier est sensible à la photographie, il l'est aussi aux images en général et à la peinture,  et a la chance de pouvoir choisir aux éditions de L'Âge d'homme où il publie, les illustrations des couvertures de ses livres.  

Jean-Michel Olivier ne s'est pas expliqué sur la question à lui posée du rôle négatif que jouent les femmes, les mères dans ses livres, lui qui reprend dans son ouvrage de nouvelles intitulé : Le Dernier mot, cette phrase de Sollers : " Oui, le monde appartient aux femmes.... c'est à dire à la mort." et dans Le voyage en hiver : "La transmission de la vie, voilà le crime"; ni sur celui de l'influence sur ses thèmes d'écriture de Jacques Derrida dont il suivit le séminaire, lequel disait : "Nous mourons tous plus d'une fois, en plusieurs temps", phrase qui pourrait presque résumer L'Amour fantôme. Il a préféré évoquer ce philosophe qu'il a bien connu et avec lequel il était resté en relation amicale. 

Peut-être ces questions touchaient-elles à quelque chose de trop intime sur lequel il ne souhaitait pas s'étendre.  Lui qui a écrit sous différentes formes dans presque tous ses livres : "Ce doux bonheur d'inexister." Aux lecteurs de deviner ce qu'il a mis de personnel dans ses ouvrages. 

Il nous a donc paru assez réservé sur lui-même -est-ce par timidité ou à cause de cette part de "secret" derrière lequel se retranchent les Suisses?- il l'évoque d'ailleurs aussi dans ses livres ce secret cher aux Suisses ; et  homme capable de se contenter de silence. Secret, silence et musique, autres thèmes à lui chers, qui nourrissent également presque toutes ses oeuvres. 

Pour finir, je dévoilerai que son intense soif a frappé le public. La pizza "Le Carnot" dont il s'était sustenté vite fait avant la rencontre était-elle à ce point pimentée ? Ou était-ce simplement un moyen élégant de combler les silences ? 

 

 

Rencontre avec Eric Faye

 

La bibliothèque de Melisey recevait l'écrivain Eric Faye 
pour une Lecture-rencontre
le 19 novembre 2004 à 20h30,
avec l'aide du CRLFC,
dans le cadre du Festival itinérant : 
Petites fugues 
en littérature contemporaine.

   

 

Eric Faye à Melisey ©Alain Jean-André
Dominique Bondu, Eric Faye et Francine Larrière.
Photo : Alain Jean-André  

 

Martine Mouhot :

Le programme des petites fugues annonce Eric Faye à la bibliothèque de Melisey, en ce vendredi de novembre.
Arrivés un peu en avance, l'auteur et le public partagent une même timidité. L'attente devient temps d'observation : l'homme est jeune, le cheveu noir et frisé, un regard de myope caché derrière des lunettes aux larges verres, les mains longues cherchent à se poser naturellement. L'auteur, tourné vers le public, que pense-t-il à cet instant ?

La rencontre débute par la présentation d'une œuvre conséquente, partagée entre essais, romans et nouvelles. Puis Eric Faye se saisit du recueil "Je suis le gardien du phare" - son livre préféré - et lit à haute voix "L'agenda". Le public plonge dans cet univers, cher à l'auteur, où le réel est traversé soudain de fantastique.
"Le fantastique permet d'aller à la recherche des symboles essentiels des mythes, des fables, de comprendre mieux ma vie, par des allégories" dira-t-il. Il se plaît à creuser cette voie , tout en lisant, entre autres Kafka, Buzatti. Le fantastique est "un rayon X qui permet de voir en profondeur, d'explorer le réel". Beaucoup de ses nouvelles tournent autour du temps, " la bousculade du temps provoque un dérèglement" où le quotidien se met à basculer.

Quand il écrit un roman, il connaît le début, la fin, mais les choses se mettent en place, petit à petit. Son rapport au temps est particulier : il lui faut accepter d'attendre et pour mieux se faire comprendre, il prend l'exemple du pêcheur en attente de voir bouger le bouchon, ainsi doit-il être "à l'écoute de son propre cerveau". La construction d'un roman le gêne : "C'est tout une entreprise" mais la nouvelle Je suis le gardien du phare fait quand même 80 pages. Sept années lui seront nécessaires pour être satisfait de ce recueil, l'aimer suffisamment pour être prêt à le publier.

Grand lecteur, il affirme avec une espèce de fascination que la lecture "permet d'inventer un autre langage entre auteurs et lecteurs, c'est une véritable communication à travers le temps, une façon de trouver ses amis au delà de la vie de chacun". Sa rencontre avec Ismaël Kadaré fut l'occasion de former son regard.

"Ecrire, c'est un état d'esprit, un filon qu'il faut porter vers une dimension d'écriture inhabituelle. Il faut créer un bain favorable à l'écriture, un climat poétique, pas forcément de la souffrance, la vie ne suffit pas"et de citer Baudelaire "….il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous."
Une joie intense, une sorte de béatitude, de jubilation a accompagné l'écriture de "Je suis le gardien du phare", un plaisir rarement retrouvé…

Le festival avait pour thème le temps, la nuit ; à Besançon, Eric Faye, parlera de son rapport particulier à la nuit, il confiera avoir été un enfant somnambule. Il soulignera ce moment particulier d'hypnose légère chargée d'euphorie "où l'insomnie est un terreau fertile pour écrire".

L'homme s'est montré convaincant, à provoquer l'envie de lire très vite la nouvelle "Je suis le gardien du phare", un vrai régal. Oui, il est bien agréable de partager - auteur et lecteur - et parfois cela peut être "jubilatoire" ! Eric Faye, soyez assuré, ce fut une belle rencontre, à Melisey, suivie quelques temps plus tard, d'une belle lecture!

 

 

Adéla :

C'est le visage tout empreint de fraîcheur attentive, et d'un apparent reste de timidité enfantine, qu'Éric Faye nous a présenté son travail.

Pour répondre à la question : Pourquoi écrivez-vous ? Il cite Pessoa : " La littérature c'est l'aveu que la vie ne suffit pas. "
Au cours de l'entretien il dit encore : "La littérature est quelque chose d'intemporel. Elle crée des amis au delà de l'espace et du temps. On les trouve dans des textes, même vieux de deux mille ans". Il dit écrire ses nouvelles comme on jette une bouteille à la mer.
Ismaël Kadaré, qu'il est allé voir, l'a aidé à former un regard, confie-t-il.

Il ne peut écrire à partir de rien. Il part d'une émotion. L'émotion est favorable à l'écriture, mais ce n'est pas forcément la souffrance qui le pousse à écrire, tient-il à préciser. 
Il raconte la genèse de la nouvelle L'Agenda, qu'il nous a lue, dont l'idée d'abord ténue est survenue simplement après avoir aperçu un agenda par terre dans une rue, ce qui lui a donné à penser, puis à imaginer.
Les éléments des nouvelles lui viennent petit à petit. Parfois très lentement, des semaines, des mois, voire des années. Il doit accepter d'attendre, de les attendre, et comme un pêcheur le poisson, savoir saisir l'idée.
Éric Faye retouche ses nouvelles jusqu'à ce qu'elles lui plaisent, jusqu'à aimer son livre. Certaines, qui l'insatisfont, sont carrément détruites. Il dit porter dans sa tête "une sorte de cimetière fait de projets abandonnés".
Il ne se sent pas capable, au niveau de la construction, d'écrire des romans. Bien que "Le Général solitude" en soit un, développé sur la demande de son éditeur à partir d'une nouvelle où tout était déjà. Quant à la longue nouvelle : " Je suis le gardien du phare " écrite à partir d'une plus courte, allongée, elle pourrait être qualifiée de roman. Il y a si peu de différence entre une longue nouvelle et un  roman court.
" Je suis le gardien du phare ", qu'il nous confie être son livre préféré, Éric Faye l'a écrit dans un état d'esprit particulier, "jubilatoire", une sorte de félicité, de béatitude, qu'il espère retrouver. Dans cette nouvelle il a pu aller loin avec un matériau assez simple. Mais, il n'aime pas employer l'expression " état de grâce " dont parle Michon, car pour lui l'employer reviendrait à dire:"ce que j'ai fait est formidable". Remarque qui nous confirme sa modestie, laquelle se devinait déjà sur son visage.

Le climat de ses textes est poétique, mais, bien que grand lecteur de poésie, il n'est pas tenté par elle en tant que genre. Il l'intègre dans le concept d'histoires, ou, plus ou moins, de fables.
Dans le recueil "Le mystère des trois frontières", les nouvelles étaient un travail sur la mythologie, interaction entre des textes et des thèmes communs.
Ses goûts de lecteur le portent vers le fantastique. Ce moyen d'explorer le réel d'une autre façon, à petites doses. Un fantastique sans monstre, qu'il intègre dans ses écrits.

    Eric Faye à Melisey©Alain jean-André
Photo : Alain Jean-André 

Enfin, il déplore que de nos jours le culte du moi - de moins en moins d'auteurs s'effacent dans les livres actuels - conduise à la surdité, à n'entendre plus les autres. Cette rencontre nous aura confirmé ce que laissaient pressentir ses textes : Éric Faye est un écrivain d'une rare humanité.

 

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