Le Café Littéraire luxovien/  Des lectures (1)

 

 

 

 

 

 

Table des lectures

Prix Marcel Aymé

 

Vous avez eu un coup de coeur 
ou d'humeur pour un livre, 
faites-nous en part 
 écrivez-nous.

 

 

 

 

 

La chouette aveugle, de Sadegh Hedayat, éd. José Corti.
lecture par Marie :

Qu'a-t-il fait pour se retrouver au réveil les vêtements déchirés et souillés de sang, et comme le poids d'un cadavre sur la poitrine ? 
Le narrateur auteur, qui ne démêle pas ce qui est vécu, passé ou présent, pensé ou rêvé, oscille entre réalité et visions engendrées par l'alcool, l'opium et les cauchemars de sa dépression.

Sur des peaux d'écritoire il peint toujours le même dessin : " Un cyprès au pied duquel était accroupi un vieillard, voûté, pareil aux yoguis de l'Inde. Drapé dans un aba, la tête entourée d'un turban, il tenait son index gauche sur sa lèvre, immobilisé dans un geste qui exprimait l'étonnement. Face à lui, une jeune fille de noir vêtue se penchait pour lui offrir une fleur de capucine ; un ruisseau les séparait.
Et il éprouve le besoin d'écrire : " J'obéissais à un besoin d'écrire comme à un devoir. Je voulais chasser le démon qui, depuis si longtemps me torturait, je voulais consigner mon tourment sur le papier. "

Sa situation, depuis l'enfance, est singulière. Il ne sait s'il est fils de son père ou de son oncle, frère jumeau qui aurait survécu à " l'ordalie du naja " pratiquée après le délit supposé d'adultère de sa mère danseuse bayadère. 
Au décès de sa tante, à qui sa mère l'abandonna, il se voit contraint d'épouser sa cousine germaine, laquelle est aussi sa sœur de lait puisque élevée par la même nourrice. Mais sa garce de femme a des amants : " Oui, j'avais vu la marque de ses deux chicots jaunes et gâtés, d'où s'échappaient des versets du Coran, la marque de ses dents sur le visage de ma femme, cette femme qui ne me laissait pas approcher d'elle, qui me méprisait, que j'aimais pourtant, bien que pas une seule fois elle ne m'eût permis de lui baiser les lèvres. "

Alors le narrateur se réfugie dans l'alcool, la drogue, la maladie, l'inactivité. Il vit en retrait avec pour seul spectacle, par la lucarne de sa chambre, le vieillard crasseux qui vend ses objets de brocante dont il retrouve le visage dans la plupart de ses cauchemars, et le boucher qui semble éprouver une telle satisfaction à dépecer sa viande qu'il finit par l'envier et perdre la notion de sa propre personnalité : " Je sentis en moi une personnalité double, complexe de boucher et de brocanteur.
Il s'interroge : " Suis-je un être autonome et doué d'individualité ? Je l'ignore. Je viens de me regarder dans la glace. Je ne me suis pas reconnu. Non, ce moi antérieur est mort. Il est tombé en pourriture. Et pourtant, rien ne m'en sépare. "

Etrange roman écrit dans une langue envoûtante et poétique ; roman qu'on lit et relit pour tenter de démêler l'écheveau de cette situation trouble et absurde: " La vie, d'un bout à l'autre, est-elle autre chose qu'un conte à dormir debout ? "; roman où reviennent sans cesse le motif des fleurs de capucine violettes sans odeur qui accompagnent la vision de la jeune femme à la fois haïe et désirée et celui de la bouteille du vin rouge de naja, viatique laissé pour lui par sa mère, dont le venin lui assurerait enfin le sommeil définitif : " Et s'il m'avait été possible d'oublier d'un oubli sans fin, si mes yeux, en se fermant, avaient pu se plonger lentement, par delà le sommeil, dans le néant absolu… "; roman enfin, empreint du regard désespéré qu'avait sur la vie son auteur iranien,  Sadegh Hedayat, né en 1903, qui s'est donné la mort à l'âge de 47 ans.

 

 

 

À deux pas de nulle part, de Michel Embareck, éditions de l'Archipel 2002, 200 pages, 14,95€. **
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Enfin de la littérature ! Un livre écrit à la première personne, masculine. Le narrateur, incapable de vivre à deux, incapable aussi de vivre seul, de mener une vie respectable, retrace sa difficulté à vivre son divorce. Il traîne sa solitude dans les bars de la ville : " Le Rapido se trouvait de l'autre côté de la ville, au fond d'une impasse bancale. Étudiants, fonctionnaires décalés, traînards, rien-du-tout, s'y croisaient entre les murs décrépis de fresques psychédéliques. " Il narre le petit boulot duquel il se contente " job à mi-temps chez Tintin Vélos ", et ses rencontres de hasard. Un livre lucide et vrai, émouvant. Il existe nombre d'êtres comme le héros du livre, qui, bien que capables, vivotent sans projets, sans presque de travail : " il me prévoyait un destin fait de soupe populaire et de foyer d'accueil ", et qui, sous prétexte de ne pas aliéner leur liberté, préfèrent la solitude : " la solitude, c'est juste la liberté qui présente la note. " Un récit écrit dans un style affirmé qui rappelle celui de Djian, avec le vocabulaire et les façons de parler des désabusés et désaxés de notre siècle. Tout au long du récit on se régale d'heureuses trouvailles : " Sa voix filandreuse en disait long sur la bobine qu'il devait tirer. " On y trouve, comme dans Les particules élémentaires de Houellebecq ou Les nuits fauves de Cyril Collard des crudités. Bien que sans vulgarité chez Michel Embareck, celles-ci peuvent heurter un lecteur trop pudique. Pourtant, La Jument verte de Marcel Aymé n'avait-elle pas, à l'époque de sa parution, été reçue comme un livre licencieux et créé son petit scandale ?

 

 

Troubles à Froidecombe, de Françoise Desbiez, éd. Arts et Littérature, 2002, 22 € **
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Enfin un livre où l'on sourit ! Où l'on ne s'ennuie pas ! Quelques habitants de la partie la plus reculée d'un petit village de la France profonde : Froidecombe mènent une vie bucolique, tranquille, un tantinet mélancolique et égoïste. Vivant resserrés sur eux-mêmes, presque en vase clos, les personnages bien campés s'épient, savent tout les uns sur les autres comme dans bien des villages. Mais ils ne connaissent rien du projet fomenté par leur maire et un industriel puissant. Un projet d'usine qui mettrait leur bien-être et celui de la région en péril. Qui dénaturerait le paysage, nuirait à la faune et la flore, polluerait, rendrait malsaine la vie dans leur petit coin de paradis, même si les hivers y sont froid et neigeux et les printemps pluvieux. Jusqu'au jour où leur est proposé le rachat de leurs terrains impropres à la culture mais au charme sauvage et rare de ce fin fonds de la combe. Le récit est mené allègrement dans une langue plaisante où fourmillent des particularismes locaux : le crapaud-boudin, la rapprocheuse, la girollette, le dindondodu, la Robolinette, les écraseuses. On y fume la bouffardière, y boit des canettes de mandryke, cueille et déguste la glute, y pousse le sapin-empereur, les enfants ont peur de l'archiduc qui vole haut dans le ciel, les matchs sont disputés par des dindodonneurs, on peut y exercer le métier d'éleveur de rats de garde, etc. Tout cela donne un petit air irréel à l'affaire, une atmosphère de conte renforcée par l'emploi du temps présent mêlé soudain d'un passé simple incongru. Bref, c'est une satire douce et ironique de notre façon de vivre, du mirage de la modernité, des affaires. Mais l'on devine bien vite qu'ici il n'y aura pas de tragédie, pas de catastrophe. Tous se mobilisent et comme dans les contes tout sera bien qui finit bien. Une belle lutte dans un beau décor.

 

 

Un mur cache la guerre, d'Yves Laplace, éditions Stock 2003, 194 pages, 15€.**
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Le livre s'ouvre sur les " dits ", témoignages d'hommes et de femmes : René, Gloria. Ces personnes maintenant âgées racontent leur vécu personnel de la dernière guerre dans des phrases simples, parlées, transcrites à l'état brut, sans retouches ni omissions telles qu'elles ont été enregistrées. Leur façon de s'exprimer, en décousu, déroute parfois le lecteur. Il arrive que le temps du passé employé soit remplacé soudain dans une phrase par un verbe conjugué indûment au présent. Est-ce maladresse de langage de ces vielles personnes qui n'ont pas fait d'études et ne cherchent pas à produire d'effets ? Ou force intense du souvenir qui s'impose comme revécu hors du temps ? Ces voix mêlent au souvenir des digressions et des opinions sur quelques personnages historiques (Pétain, de Gaulle, Bourbaki…), sur des évènements ou des faits survenus et/ou connus d'eux à posteriori.

Plus on avance dans le témoignage de Gloria et René, plus ce qu'ils relatent se révèle avoir un fil conducteur, une trame. Ils vivent entre trois pays frontaliers : la France, la Suisse et l'Allemagne. Contrebandiers d'abord, ils sont devenus automatiquement passeurs de Juifs et d'espions politiques pendant l'occupation allemande. Tous furent plus ou moins impliqués dans la dite résistance, et/ou la dite collaboration. Ils seront dénoncés, pris, iront en camps, auront la chance de revenir.

Gloria et René, ces jeunes gens, fréquentaient Grégoire. Grégoire, arrivé à l'âge de 91 ans se voit insulté et traîné dans la boue, il porte plainte. Mais cette fois, ce n'est plus lui qui s'exprime, on devine qu'il est mort des suites de calomnies. S'exprime à sa place, avec éloquence et lyrisme, le journaliste qui a enquêté sur son passé de guerre et a recueilli des témoignages, d'anciennes lettres, des documents, une cassette audio.

Ce journaliste revient de Sarajevo, Mostar, Travnik et Gorazde, le 11 septembre n'est pas encore bien éloigné. Il étend alors le cas personnel de Greg, au cas universel de ce qu'il rencontre partout. Il assimile Greg à tous les morts de toutes les guerres, on perd alors le fil, on frise la folie, on atteint au vertige de l'encyclopédie des morts dont Greg porte les noms, tous les noms, comme si au moment de sa mort il s'était identifié à chacun d'eux, même à son ennemi d'alors, mort tragiquement et inutilement comme lui à cause de la guerre.

Bref, un livre sur la conscience de la guerre qu'ont ceux qui l'ont vécue avec leurs anecdotes personnelles, étendue à l'universalité de tous les morts, qui ne sont pas anonymes, ni inconnus, on peut citer leurs noms, on pourrait en citer des milliers. Ils l'ont été à cause de ce fléau qu'est la guerre, que sont toutes les guerres et qu'on se cache, qu'on préfère ne pas voir, derrière le mur.

Le chapitre Au bout du conte résume bien le cheminement et les motivations de l'auteur. Que dire d'autre ? Que le journaliste narrateur auteur est, dans la vie, arbitre de football, et prône la lutte sans haine, car la lutte est nécessaire à l'homme. A un moment du récit, lorsque désoeuvrés il fallait s'entretenir le corps, les hommes le faisaient en luttant, mais sans se faire mal, et surtout sans haine, sportivement.

 

 

Hiver noir, Benoît Coulon, éditions Empreintes, 2003, 302 pages, 18 € **
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

On imagine, à la lecture d'Hiver noir que l'auteur s'est nourri dans son enfance des albums d'Edwards P. Jacob : Black et Mortimer. Même fait anodin au départ retenant l'attention de personnes spécialisées en science et recherche médicale, qui se multiplie et prend rapidement une ampleur inquiétante, et effrayante, pour l'humanité toute entière.

Un médecin est intrigué par un malade qui décède rapidement d'une grippe aux symptômes peu courants. Le fait se reproduit, c'est normal en cas d'épidémie, mais la contagiosité est si grande, l'évolution de la maladie si rapide, la mutation de la souche infectante telle, que les soins sont inefficaces, les vaccins inutiles. Les morts, presque foudroyantes, dans des souffrances atroces, se produisent par dizaines, par centaines, vite par milliers. Les hôpitaux manquent, les mesures insuffisantes pour enrayer l'épidémie. Médecins et chercheurs sont pris de court, ne sont eux-mêmes pas à l'abri de contracter ce virus inconnu. L'on pressent vite que cette épidémie est due à un acte de terrorisme bactériologique que l'on ne contrôle plus. Mais que l'on se rassure, à l'instar de Black et Mortimer, l'épidémie sera enrayée et les méchants découverts et punis, ne serait-ce qu'en contractant le mal par eux-mêmes propagé. C'est finalement l'innocence d'un enfant porteur d'anticorps naturels contre ce virus qui sauvera l'humanité, cela tient quasiment du miracle.

Nos contemporains sont avides de vivre bien et longtemps à l'abri d'une mort précoce, grâce aux progrès de la médecine. Ils ont une hantise : que des maladies encore inconnues, non guérissables, ou qu'une épidémie qu'on ne pourrait enrayer les fasse mourir avant l'heure. À l'époque du Sida, de la maladie de la vache folle, de celle de la grippe du poulet qui sévit en Asie, des actes de terrorisme, ce livre est d'actualité, et ce scénario catastrophe très prenant. L'auteur utilise ce thème hautement préoccupant pour monter son récit et tient le lecteur en haleine. Ce livre plein de suspens se lit en effet d'une traite.

Il est dommage que le style ne porte pas l'histoire au niveau auquel elle pourrait prétendre. L'auteur se contentant de narrer à l'imparfait dans des phrases simples et sans recherche, les évènements dans leur ordre chronologique, les entrecoupant des dialogues des personnages. Bref, un très bon scénario pour un film d'action comme on en voit tant sur les écrans grand public.

 

 

L'étoile et la croix, de Daniel Susterac, éditions Cêtre 2003, 224 pages, 19,80 € **
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Une belle histoire que ce roman autobiographique élaboré à partir de souvenirs familiaux, photos et recettes de cuisine à l'appui. Celle d'un enfant, Daniel, né en 1936. Il a huit ans en juillet 44, lorsque commence le récit. L'auteur raconte son vécu de la guerre, lui qui est pratiquement né avec. L'école, les bombardements et par la force des choses sa participation à la résistance, au sabotage. Sa famille maternelle catholique, sa famille paternelle juive, la déportation de celle-ci. Les américains, la libération. Son père prisonnier pendant tout ce temps en Allemagne et qui heureusement reviendra. Son amie d'enfance, Marie, tuberculeuse, qu'il retrouvera à Paris quand il y sera étudiant. Un livre qui finit bien. Sans morosité malgré la période couverte et les inévitables disparus de la guerre. Il se lit facilement, sans ennui, sans suspens non plus. Sa forme et son style sont sans recherche de langue, on n'y sent pas la patte de l'écrivain professionnel mais le témoignage sans effet littéraire d'un enfant droit et bien pensant. C'est une leçon d'histoire vécue pendant la dernière guerre mondiale. Il mérite de dépasser le strict usage confidentiel auquel il semble avoir été destiné de par la dédicace de l'auteur grand-père à ses petits enfants. Il pourrait renseigner les jeunes d'aujourd'hui sur cette période passée, même si l'on a une impression de déjà vu et si l'ensemble baigne un peu dans l'eau de rose.

 

 

Le Drap, d'Yves Ravey éditions de minuit, 80 pages, 8 € **
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Le drap d'Yves Ravey est un linceul, celui du père du narrateur. Le livre est une énumération de moments vécus en spectateur par l'enfant au seuil de l'adolescence qu'il était à l'époque de la mort de son père. Une énumération des signes progressifs du changement de vie, des soins prodigués par sa mère au malade. Il (l'enfant) subissait dignement, sans parler l'évolution lente de la maladie professionnelle dont le père était atteint, puis la longue agonie de six mois, rendant service comme il pouvait. Il ne dévoile à aucun moment ses sentiments propres, intimes. Un compte-rendu assez déroutant, car si tous les détails " techniques " figurent dans l'ouvrage, l'auteur n'évoque ni la tristesse, ni le chagrin, ni l'amour filial. On pourrait le croire froid, insensible, si, à la soixante neuvième page d'un livre qui en compte soixante dix huit, on ne lisait la gorge serrée : " Ma mère est morte en même temps que lui, le jour de la toilette mortuaire, quand elle l'a rasé, et quand elle m'a demandé de tendre la peau de son visage, pour que la lame atteigne les plis au plus profond. Ensuite, elle a traversé la vie comme s'il était encore là. Ma mère est morte suicidée sur le corps de mon père après qu'elle lui a enfilé une paire de chaussures neuves. C'est un suicide par lenteur. Elle est plus forte que la vie. Elle est partie avec lui. Elle est devenue une ombre. Sans parole, sans corps, quelque chose qui pense et qui erre. " Ce linceul est aussi celui de la mère : c'est elle qui passe le drap mortuaire sous le corps de l'époux décédé. Double perte pour l'enfant. Des phrases simples, sans fioritures, sans plainte, celles d'un enfant qui n'analyse pas les sentiments, ni les siens, ni ceux des autres, qui les vit et constate. Ce livre est le fidèle reflet d'un milieu ouvrier où l'on ne s'épanche pas, où l'on ne laisse pas transparaître ses sentiments, où l'on fait son devoir.

 

 

L'homme-lézard, de Claudine Jacques, HB éditions 2002, 232 pages, 15€.**
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

L'action de ce roman  noir se passe dans un squat (bidonville) en Océanie, milieu où la drogue et l'alcool sont un dérivatif à une vie sans espoir.

Lequel de ces jeunes a tué le père de Nassirah jeune étudiante qu'il violait ? - Erwann, ami de Nassirah qui l'en avait menacé ? - Enok, frère de Mandela, sculpteur, alcoolique et drogué, - il est mal dans sa peau mais a un talent certain -, lors d'une rixe entre ivrognes ? Lui-même en est persuadé. Il n'est pas indifférent à Nassirah mais ne repousse pas non plus Lusia qui l'aime mais se donne à tout le monde. - Lewis, alias Sivel, alias Tash, métis et dealer qui paraît le plus à l'aise, le plus équilibré, la tête la plus froide et le plus capable de maîtriser toutes les situations. Il rêve d'une propriété où bâtir sa vie, fonder une famille. Il aime Mandela, qui a choisi de travailler dans un snak, travail alimentaire lui permettant de subvenir à ses besoins et ceux de son frère qu'elle veut aider à réussir. Mais elle périra dans un affrontement entre jeunes de quartiers voisins.

L'écheveau de ce roman, au départ un peu confus pour le lecteur, se démêle au fil du livre. Si le meurtrier n'est pas celui qui sera emprisonné, la morale est sauve, puisque le coupable qui ne se livre pas et n'est pas soupçonné, est puni par la mort de son amie et finira par se suicider. Une mort inexplicable pour les autres protagonistes car il avait fini par devenir propriétaire et accédé à une certaine réussite sociale. Quant à Enok, son incarcération sera son salut. Bien que paralysé des membres inférieurs par la balle reçu lors de l'affrontement dans lequel sa sœur a péri, il saura profiter de son emprisonnement pour se désintoxiquer, mener à bien son oeuvre de sculpteur, réussir en tant que tel. Il aura aussi par l'enfant que lui donnera Lusia, famille et joie de vivre.

Bref, des situations vraies, des phrases simples, courtes pour dire ce drame et les personnages qui le vivent et se débattent comme ils peuvent dans ce milieu qui est le leur, où ils essayent tout simplement de vivre. L'amour semble devoir être la seule planche de salut. Pourtant si l'auteur a donné une fin morale à son histoire, on sait bien que ce n'est sûrement pas le cas dans la réalité et que ces tragédies journalières sont malheureusement le pain quotidien de ces paumés des squats où rares sont ceux qui s'en sortent.

 

 

Le Puits de la tortue, de Catherine Flamant et Michèle Paris, éditions des écrivains, 2002, 150 pages, 16,20€.**
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Étrange ouvrage de deux femmes qui ne se connaissent pas et correspondent. On mélange un peu l'une et l'autre si l'on pose le livre trop longtemps, on mélange leurs amis, leurs maris, leurs enfants. Elles en viennent vite, au fil des lettres et des réponses, à confier leurs secrets, tout ce qui ne se dit pas. " J'ai tenu à te raconter tout ceci pour être (…). Tout simplement bien, sans réfléchir à ce qui convient de dire ou de ne pas dire. " Une correspondance entamée par besoin de partager ses idées avec quelqu'un qui semble pouvoir vous comprendre, de partager des moments vécus, appréciés et heureux : les enfants, la bonne entente du couple ; ou au contraire graves et désabusés : la mort de l'Aimé, l'absent, le bonheur perdu. Et la vie à poursuivre, malgré tout sans s'attacher. Mais surtout cette correspondance est prétexte à parler de soi, de ses motivations, de ses aspirations, de ses contradictions, de les découvrir le plus souvent en écrivant. C'est une introspection, un travail sur soi qui fait émerger les pensées intimes que ressent toute femme sans toujours vouloir se l'avouer. Les auteurs, deux femmes, le font de façon sentimentale et poétique. Elles semblent parfois se laisser emporter par les mots, uniquement pour leur musique, ou pour la résonance avec ceux qui précèdent ou qui suivent. D'où l'impression ressentie de temps à autre par le lecteur d'un décalé entre les mots et la pensée réelle, comme si ces deux femmes se laissait dépasser par les termes qu'elles emploient pour le plaisir du jeu avec les sons, où laissaient leurs pensées s'envoler pour la beauté du sentiment évoqué par les mots. Des mots qui portent loin. "Avec cet artiste, j'avais rêvé. Je n'avais que quatorze ans et tout à coup je retrouvais tour à tour un état fœtal ou originel et une sensation d'être déjà presque mère. Je sentais scintiller en moi les graines d'étoiles du magma originel. Sublime sensation quand on est encore si proche de l'enfance ingénue. Je faisais confiance au radeau, je voguais. Je divaguais. Je semblais envahie par une eau forte. Eau forte slave sur papier jauni. Encre bleue. Ancre du bateau qui se posait ici ou ailleurs. Encre de Chine peut-être. Quelques étincelles en grain de thé ou de riz dans mes poussières d'étoiles. "

Si ce livre se lit avec des moments d'irritation par quelque lecteur trop pragmatique qui leur reproche de trop se regarder écrire , la fin en est étrange et émouvante. Quand plus rien semble-t-il ne reste à partager, que le travail sur soi semble abouti, ou qu'on ne croît plus pouvoir aller plus loin, ou du moins savoir pouvoir continuer seule, la plus désabusée coupe les ponts, la correspondance cesse on entre dans une autre dimension. Conte ou folie ? 

 

 

Raconte Grand-Mère, de Marie-Thérèse Renaud, éditions Cabédita, 2003, 168 pages, 22,50 €. **
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Mon Dieu, que ce livre est riche et étourdissant. Même certaines réflexions ou actions émeuvent. On est loin des livres sobres. L'auteur met là toutes ses réflexions, ses pensées. La trame, qu'on ne découvre hélas, qu'à la mi-temps du livre n'est, en fait, qu'un prétexte à cela.

Dire qu'il y a des gens dont le cerveau est ainsi en perpétuelle effervescence sans connaître le moindre instant de repos ! Dont la pensée lucide sans cesse vagabonde du passé au présent, de la vie, aux sciences, aux arts, au maladies, aux autres, etc. car M-T. Renaud aborde tous les sujets.

Au début, le procédé semble artificiel. Le narrateur décrit la journée d'une grand-mère cultivée et aisée qui va fêter ses 80 ans avec sa nombreuse descendance. Il nous rapporte les pensées qui lui viennent, les conversations qu'elle a. On attend une histoire et il nous abreuve de ses opinions, interrogations, réflexions sur les sujets sérieux qui surgissent à chaque instant dans la tête de cette grand-mère, une pensée en appelant une autre, elle-même suivie d'une nouvelle tout aussitôt.

Et puis, passée la moitié du livre, on s'habitue. Des événements et du vécu récent, enfin, s'enchaînent. Mais les choses du siècle et le passé continuent à défiler. Sont mêlés et évoqués, le progrès, les changements de mentalité, de vie, de mœurs, avec présentes les préoccupations actuelles, toutes, absolument toutes ou presque de cette grand-mère restée jeune dans sa tête, mais ayant l'expérience de la vie.

Sans oublier la mort inéluctable, omniprésente puisque c'est d'une vieille dame qu'on relate les pensées. Elle s'interroge souvent sur le mystère de " ceux qui ne sont pas encore nés ou ceux qui sont déjà morts ", qu'elle rejoindra forcément, elle le sait, mais elle a le temps pour cela, et se semble éternelle.

C'est de la virtuosité, un tour de force que d'avoir réussi ainsi à intégrer, à compiler toute une vie, des pensées, et plus dans le récit. On en sort un peu étourdi, comme lorsqu'on a eu un visiteur qui n'a cessé de discuter tous azimuts de sujets de toutes sortes, très intéressants certes… mais vouloir tout dire en une seule fois, mettre tout, en résumé, dans un seul livre, c'est peut-être un peu trop. Non ? A moins qu'on soit pris par le temps, et qu'il faille absolument dire, tant pis si c'est en vrac, avant de s'en aller ou de passer à autre chose. Mais à qui, si ce n'est à soi-même ? Ou à des proches en guise de legs ?

Il est dommage que chaque fois que l'on frise l'émotion, l'auteur fasse zapper la grand-mère, la fasse vite penser à autre chose, si bien que le soufflet, ou la mayonnaise, comme vous voudrez, soudain retombe. Un peu comme dans la vie peut-être, où l'on n'a pas le temps de s'arrêter au sublime. Alors, le lecteur, qui avait pris le livre pour s'évader, se sent un peu frustré, même s'il retrouve en filigrane des éléments qui le préoccupent et qu'il connaît.

Oui, on ne décolle pas vraiment dans ce livre, qui s'il est écrit de façon alerte et vivante, reste une sorte de documentaire, large éventail sur le siècle passé.

 

** Il s'agissait du Prix Marcel Aymé décerné par l'Association du Livre et des Auteurs Comtois (ALAC), pour lequel il était proposé ainsi que les neuf titres ci dessus qui ont fait l'objet d'argumentaires soumis au vote des web-lecteurs du 10 au 18 avril 2004 lorsque Pierre Perrin en était le président.

 

 

Mishima ou la vision du vide, de Marguerite Yourcenar
lecture par Adéla :

Ce n'est pas un roman, c'est une  esquisse  nous confie Marguerite de Crayencour dite Yourcenar, sur le très grand écrivain japonais Yukio Mishima qui, a 45 ans, s'est fait théâtralement seppuku selon les rites traditionnels de son pays, alors qu'il était en pleine gloire.

En tête de ce petit ouvrage, un peu de place est consacrée à la famille du personnage qu'était Mishima. Parents d'origine aristocratique et grand-mère exceptionnelle dont il dira quelque part : " À huit ans, j'avais une amoureuse de soixante ans ", " lien presque charnel petit-fils-grand-mère qui met en contact l'enfant avec un Japon d'antan " constate Marguerite. Grâce au style et traditions de son aïeule, Mishima fera revivre dans Neige de printemps une aristocratie déjà moribonde en les personnes du comte et de la comtesse Ayakura.

Dans la première moitié de son essai, l'auteur évoque et suit Mishima à travers ses livres (les meilleurs, ceux qui furent traduits) dont elle donne la trame, quelques clefs : La Forêt en fleur, Confession d'un masque, Le Tumulte des flots (qu'elle qualifie de court chef d'œuvre " aux qualités d'équilibre et de sérénité qu'on est convenu de croire grecques ", " un de ces livres heureux qu'un écrivain d'ordinaire n'écrit qu'une fois dans sa vie "), Le Pavillon d'or, Le Marin, jusqu'aux quatre ouvrages de la tétralogie La mer de la fertilité (Neige de printemps, Chevaux échappés, le Temple de l'aube, et l'ultime L'Ange pourrit).  Elle met en évidence la fascination du vide métaphysique que le romancier-poète subissait depuis sa jeunesse, ses ambitions, ses triomphes, ses faiblesses, ses désastres intérieurs et finalement son courage.

Rien d'étonnant à ce que l'auteur des Mémoires d'Hadrien se soit intéressée à cet écrivain d'origine, comme elle, aristocratique prônant les valeurs traditionnelles. De plus Mishima, comme tous les héros des livres de Marguerite, se situe aux confins de la normalité. Que ce soit Alexis du Vain combat, Éric du Coup de grâce, Hadrien ou Zénon de L'Œuvre au Noir, etc., les personnages principaux de Marguerite Yourcenar, tous masculins, ont un penchant homosexuel marqué et savent que " Pour les hommes l'amour-abnégation est moins fréquent, parce que l'homme a toujours senti qu'il y avait autre chose dans l'univers et dans la vie qu'un grand amour ". Ils ont également l'obsession de la mort qu'ils veulent voir " Les yeux ouverts ", " Ne pas rater la dernière expérience, le passage ".

Dans la dernière moitié de son essai, Marguerite accompagne Mishima jusqu’à la mort par seppuku, comme dans la nouvelle « Patriotisme » qui a été filmée. Cette mort fut mise en scène, dirigée et jouée par Mishima lui-même dans un décor de . Scène tant de fois répétée, et qu’elle décrit jusque dans ses détails techniques, tentant de l’expliquer par les motivations possibles  de l’écrivain, comme elle décrit dans le menu le suicide du Zénon de L’Œuvre au noir.

Mishima le matin du 24 novembre 1970, qu'il savait être son dernier jour ayant tout préparé, laissait sur son bureau ces mots sur un bout de papier : " La vie humaine est brève mais je voudrais vivre toujours ". Pour Marguerite il n'y a pas là contradiction :
" La phrase est caractéristique de tous les êtres assez ardents pour être insatiables. " écrit-elle.

 

Les mémoires d'Hadrien, de Marguerite Yourcenar
lecture par Marie-Françoise :

Je croyais que je me lasserais d'un roman historique, qui plus est sur le règne et l'administration d'un empereur romain, mais ce ne fut pas le cas, Marguerite Yourcenar mêlant si bien dans la " voix " de ce grand homme les évocations de faits historiques connus et les pensées intimes qu'elle recrée : " ce qui compte est ce qui ne figure pas dans les biographies officielles ". 
Son écriture, par certains côtés, poétique, est telle que le lecteur accepte les passages un peu longs pour qui n'est pas passionné d'histoire antique. Il retient : l'empereur éprouvant le sentiment d'être dieu ; la perpétuelle présence ou recherche de l'amour ; la création de la ville et du culte d'Antinoé après la mort du favori.
Les analyses politiques n'ont pas vieilli, les préoccupations humaines et personnelles non plus, elles s'appliquent à tout mortel, à toute époque. 
Marguerite ne s'arrête pas à l'anecdotique, à la petite histoire, elle prend " seulement ce qu'il y a de plus durable, de plus essentiel en nous, dans les émotions des sens, dans les opérations de l'esprit, comme point de contact avec ces hommes qui comme nous croquèrent des olives, burent du vin, s'engluèrent les doigts de miel, luttèrent contre le vent aigre et la pluie aveuglante et cherchèrent en été l'ombre d'un platane, et jouirent, et pensèrent, et vieillirent, et moururent. "

 

 

 

Un automne sur la colline, de Françoise Ascal  (éditions Apogée, septembre 2003)
lecture par Martine Mouhot :

Le temps d’un automne, Françoise Ascal, s’adresse dans une suite de lettres à Simon, soldat inconnu, peut-être mort à l’aube de ses vingt ans - comme tant d’autres pris dans l’étau des guerres - sur la colline de Bourlémont où est implantée la chapelle de Ronchamp.

Lieu sacré déjà au temps des celtes, et lieu de pèlerinage depuis très longtemps, les hommes et les femmes venus des alentours mais aussi de plus loin en ont foulé le sol pour s’en remettre à la Vierge, avec au cœur le désir d’une vie moins dure. En dépit des tirailleurs sénégalais, ces "redoutables combattants"- de ceux qu’on met à l'avant pour prendre les coups et les oublier très vite, - la colline fut le théâtre de combats où les hommes tombèrent et la chapelle, détruite sous les obus en septembre 1944.

Françoise Ascal se souvient des montées sur la colline avec sa grand-mère, Adèle, veuve de l'autre guerre, "Tenir c'est le maître mot de sa vie" mais aussi "de vos vies gens du peuple, menu fretin, que vous soyez blancs ou noirs"; tout en pensant à Simon et ses frères.

Quant à le Corbusier, l'architecte de ce lieu devenu mythique, elle nous le montre arpentant la colline en tous sens "à la recherche du souffle essentiel" avant de décider de l’emplacement de la Chapelle, tenant compte de cette personnalité "toujours présente… le paysage, les quatre horizons. Ce sont eux qui ont commandé" écrira-t-il dans ses carnets. Lieu de lumière, quand le soleil brille, elle évoque de son regard, au delà des frontières "la blancheur éblouissante des murs…Grèce, Crète, Afrique ".

Tout au long de cette méditation, l'auteur offre de multiples liens entre hier et aujourd'hui, entre ici, la colline, Champagney le bourg voisin et son combat contre l'esclavage en 1789, et ailleurs, d'autres collines, lieux d'horreur et de génocide, le Rwanda au doux nom de pays aux sept collines, tout en posant l'inévitable question "Comment en finir avec la noirceur, - celle qui persiste et rayonne même sous les cieux les plus lumineux ?"

À l'image de la chapelle, l'écriture de Françoise Ascal oscille entre ombre et lumière, tour à tour grave et lumineuse, elle porte la méditation au plus haut, là où réside l'Essentiel, avec en son sein une immense humanité.

 

À rebours, de J.-K. Huysmans
lecture pas Adéla :

" Le tout est de savoir s'y prendre, de savoir concentrer son esprit sur un seul point, de savoir s'abstraire suffisamment pour amener l'hallucination et pouvoir substituer le rêve de la réalité à la réalité même.
C'est ce à quoi tente de parvenir Jean Des Esseintes, personnage névrosé du XIXème siècle finissant. Dernier rejeton atavique, mais intelligent, et très cultivé d'une famille noble et riche, il se retrouve seul. Écoeuré de la vie mondaine, aristocratique ou bourgeoise, il se réfugie dans sa maison de Fontenay, qu'il aménage pour y vivre à fleur de sens, avec un unique domestique. 
Le narrateur nous décrit tout au long de ce livre, qui dure le temps de ce retrait, toutes ses expériences des sens poussées au paroxysme par des moyens artificiels. Et son impuissance au bout du compte à être satisfait. Son ennui. " Décidément il ne lui restait aucune rade, aucune berge.
Barbey d'Aurevilly a écrit : " Après un tel livre, il ne reste plus à l'auteur qu'à choisir entre la bouche d'un pistolet ou les pieds de la croix. "
En 1903, J.-K. Huysmans, qui ne s'est pas suicidé, écrira pour clore une préface écrite vingt ans après : " C'est fait ".
Des descriptions parfois un peu fastidieuses pour le lecteur d'aujourd'hui, qu'on a hâte d'achever pour retrouver le personnage "à la fois grotesque et pathétique, une des plus fortes figures de l'angoisse qu'ait laissées notre littérature" (sic la quatrième de couverture de la collection folio dans lequel je l'ai lu) et les considérations qu'Huysmans glisse sur la société, l'art, la littérature etc. de son siècle.

 

 

Le Château de vers, de Françoise Urban-Menninger (éd. Jérôme Do Bentzinger)
lecture par Marie :

Ce n'est pas un livre de contes, mais les contes y sont.
Ce n'est pas un recueil de poésie, mais c'est plein de rimes.
C'est une friandise délicate pour les enfants et pour les grands
qui a un goût de reviens-y.
C'est un rien naïf, un rien nostalgique, un rien magique.
On se laisse emporter page après page, "page" entre les pages,
au jeu avec les mots, dans ce Château de vers finement imagé,
de Monique Barreaud et Françoise Urban-Menninger.

 

Dernière vie d'ange, de Florent Kieffer (Ed. La Dragonne, 16,50 €)
lecture par Adéla :

Drôle de livre que Dernière vie d'ange ! On se trouve emporté dans le flot de ce qui semble être un divertissement divin débile, -- comme on peut l'être lors de dessins animés, où de films d'action confus prétendument comiques qui font appel à des tas de gadgets, et où le spectateur ne comprend pas souvent grand-chose, puisqu'il n'y a pas grand-chose à comprendre.
Ici, il s'agit ni plus ni moins du récit de la création du monde et des vivants par un Dieu " reloocké ".
Rien d'étonnant, puisque ce dernier vit un éternel présent, à ce qu'il se trouve rattrapé et dépassé dès les premiers chapitres de la Genèse par les techniques modernes… les moeurs actuelles et les bévues de ses créatures qui n'en font qu'à leur tête, d'où des rebondissements absurdes.
Outre Dieu le père, on y retrouve Simon, Pierre, le messie, -- fils de Dieu ramenant l'ordre à la façon des super héros volants invincibles des BD --, l'homme et la femme, leurs tentations, les aléas de l'existence et une foule d'anges très divers aux tâches bien spécifiques.
Ainsi l'ange narrateur qui  mène ce récit dans une parole biblique emplie de jeux de mots aux connotations actuelles.
    " Dieu est sévère, mais il est juste. En chassant l'homme du Paradis, il le privait des vacances à perpétuité et l'astreignait à un labeur harassant, quelque peu dégradant, et assez mal rémunéré. Mais il lui offrait une compensation non négligeable : le débit de boisson.
    Dieu dit : « Tout baigne. » Et il vit que cela, décidément, était bon. "

Une sacrée histoire en somme, mais attention, pour suivre, il faut s'accrocher et y croire… La création n'est plus ce qu'elle était !
Ceci étant dit, si vous avez envie de vous divertir, de rire, sortir des livres trop sérieux qui nous submergent, ne vous privez pas de le lire.

 

Une esclave moderne, d’Henriette Akofa
lecture par Sophie :

Autobiographie d’une jeune Togolaise. Henriette nous raconte comment elle est arrivée en France à 15 ans, sans papier mais avec beaucoup de promesses et d’espoir.
Un de ses principaux rêves est d’aller à l’école. Elle a été " choisie " par la sœur d’une des maîtresses de son père pour partir en France. Cette femme, Simone, vit à Paris, et fait miroiter à la famille et surtout à Henriette, une vie merveilleuse en Europe.
Pendant 4 ans, elle va vivre un enfer, elle va travailler des heures et des heures, sans rien percevoir, et vivre dans des conditions atroces et inimaginables, sans naturellement aller à l’école.
De plus, elle n’aura aucun soutien de sa famille restée au Togo, ni d’un de ses oncles en France.
Comment va t elle pouvoir échapper à cet enfer ?
J’ai beaucoup aimé ce livre, bien que l’histoire soit dramatique et dure moralement, mais il faut savoir que l’esclavage moderne existe, à notre époque et surtout en France. J’avais vu cette jeune femme à la télévision et j’avais été bouleversée par son témoignage, ce qui m’a donné envie de lire son livre pour en savoir plus sur ce phénomène de société. Je vous le conseille vivement, on ne peut rester insensible devant cette histoire, croyez moi.

 

par  Habiba Zougui (Ecrivaine et poètesse marocaine):
Je fus émue par le livre: Une Esclave Moderne d 'Henriette Akofa... 

 

Villa Carmina, de Stéphane Mesnier
lecture par Sophie :

Ce roman relate l’histoire d’une enfant corse avant la guerre. Issue d’une mère institutrice et d’un père ouvrier agricole, elle rêve toute jeune de construire le plus grand et luxueux hôtel de l’île, et d’être considérée comme une femme du monde.
Elle est dévorée par l’ambition et prête à tout sacrifier pour aboutir à son projet.
Après la guerre, elle monte à Paris et abandonne ses études malgré le refus de ses parents.
Elle se fait engager dans le bar hôtel Bristol, où elle fait la connaissance de Charles Emile Cavallo, dit Lucky, lui aussi corse.
L’hôtel Villa Carmina verra le jour et obtiendra les étoiles espérées et une solide réputation.
Il faut attendre les dernières pages du roman pour connaître le mystère qui plane dès les premières pages sur le destin de cette femme.

 

Je ne sais pas comment elle fait, d’Allison Pearson
lecture par Sophie  :

Kate Reddy, 35 ans, est mariée et a deux enfants. Elle essaie de concilier vie de famille et travail, ainsi que sa vie amoureuse.
Elle est très prise par son travail qui la passionne, mais qui lui prend aussi beaucoup de son temps. Quand elle rentre chez elle, épuisée, elle doit quand même faire face aux tâches ménagères et jouer son rôle de mère et d’épouse.
Elle doit aussi subir les jugements, les commentaires de sa famille, de ses amis et de ses collègues. Elle ne sait plus où elle en est et essaie de trouver une solution pour trouver un équilibre.
Ce livre m’a plu, je trouve qu’il pose bien le problème de la femme active, qui doit choisir d’être une bonne mère et épouse ou une femme d’affaires.

 

 

La Montagne de l'Âme, de Gao Xingjian   (éd. de l'Aube poche, 10,52 €)
lecture par Marie-Françoise :

Lorsque je voyais ce gros livre de 670 pages, oeuvre d'un prix Nobel, sur les présentoirs des libraires, je le croyais trop difficile. Jusqu'à ce que j'en entende lire un large extrait qui m'a mis l'eau à la bouche. Alors, je l'ai savouré lentement, par petites doses, au goutte à goutte.

Sont décrits tout au long de ce récit, outre les paysages, les coutumes, la vie et les difficultés des habitants des différentes Provinces chinoises actuelles, toutes les facettes de l'amour, l'amour rêvé, l'amour vécu, jusqu'à la cruauté..., avec justesse et philosophie, dans une langue poétique et moderne.

Le narrateur, écrivain chinois atteint d'un cancer en rémission, erre, dans le temps, l'espace, les souvenirs, les rencontres des femmes, à la recherche de vieux chants populaires, de lieux anciens, mythiques, et surtout de La Montagne de l'Âme.
On se sent souvent égaré, ne sachant jamais d'emblée si l'on est encore dans le présent tangible, ou dans un ailleurs de légende et de rêve, ni avec qui l'on est, ni qui parle, ni à qui s'adresse celui qui parle, jusqu'à ce que l'auteur nous donne la clef :
" Dans ce long monologue, « tu » est l'objet de mon récit, en fait c'est un moi qui m'écoute attentivement, « tu » n'est que l'ombre de moi.
" Pendant que j'écoutais attentivement mon propre « tu », je t'ai fait créer « elle », parce que tu es comme moi, tu ne peux supporter la solitude, tu dois aussi trouver quelqu'un à qui parler.
"
Et cette elle, femme ou Chine, est multiple, chaque fois la même et chaque fois une autre.
Parfois l'auteur emploie enfin un « je » qui nous remet les pieds sur terre pour le temps d'un chapitre, mais bien vite repart dans les pensées, dans les images, dans les rêves... Alors on se laisse bercer,  envoûter, entraîner, lentement page après page. 

Pas de fil conducteur, si ce n'est le voyage jusqu'à la fin… au bout duquel l'auteur avoue :
"En réalité, je ne comprends rien, strictement rien.
C'est comme ça.
"

 

 

Les larmes de ma mère, de Michel Layaz  (éditions Zoé)
lecture par Martine M. :

Dans un appartement vide de ses occupants, le dernier fils revient et regarde :
" Les objets ne sortent pas de la tête aussi vite que tu l’imagines. Les objets demeurent parfois effrayants. " A mesure que les mots viennent – à l’adresse de sa compagne –l’enfance se dénoue et butte sur les larmes de la mère : " quand je suis né, ma mère a eu une crise de larmes. Sur la photographie où on la voit elle et moi, quelques minutes après la naissance, on distingue clairement – malgré le rouge déjà repassé sur les lèvres, malgré le fond de teint déjà replaqué sur les joues – on distingue clairement les yeux mouillés. Ma mère qui pleure. Qui a pleuré. Les larmes de ma mère. "
Au fil du récit que suit l’inventaire des objets, l’enfant se construit : " Pour la première fois, je découvrais que le recours à l’imaginaire permet de braver des situations pénibles. Je ne savais pas encore qu’il permet aussi, non seulement de faire face à des moments détestables ou bouleversants, mais de rendre l’existence possible, supportable, et qu’ainsi on peut rire des choses graves et rendre le risible sérieux. "
Voilà un récit sur l'enfance, parfois tragique, parfois comique mais en tous cas sérieusement optimiste quant aux ressources des enfants pour affronter le pire !

 

Au Jardin d'Alba, de Marie-Françoise (Atelier du Bief
lecture par Martine M. :

De la terre nue Marie-Françoise fait surgir arbres et fleurs et la vie s' installe dans son jardin : enfants, oiseaux, chats, hérissons, criquets et tant d'autres encore. 
En vous invitant à cette promenade, elle vous accueille en ami, partage des souvenirs parfois très proches des vôtres. 
Mais ne soyez pas étonné de son regard, elle " vit de secrets enfouis derrière des portes dérobées.
Laissez-vous aller simplement à la suivre, et sachez comme le dit cet haïku que:
    Venir voir les fleurs      
            Voilà qui vous embellit 
                    Jusqu'à votre cœur 

 

Lewis et Alice, de Didier Decoin
lecture par Adéla :

Présenté sous forme d'une correspondance factice de Charles Ludwige Dogson (vrai nom de Lewis Carroll) à Charles Dickens, ce livre nous renseigne sur la vie, les bonheurs et les tourments de l'auteur du célèbre conte : Alice au pays des merveilles. Dans la vie, diacre gauche et bègue, photographe, mathématicien et logicien il aimait les petites filles jusqu'à ce qu'elles changent inéluctablement vers l'âge de douze/treize ans, alors, il était très malheureux.
Un livre bien documenté qui nous rend très attachant l'auteur de cette  histoire étrange, absurdement logique, qu'est Alice au pays des merveilles, et nous révèle le secret de son écriture. 

 

Les kangourous, de Dominique Barbéris (L'arpenteur / Gallimard)
lecture par Marie :

Employée dans une agence d'assurance contre le risque, la narratrice mène une vie sans surprise, monotone et perd peu à peu le sens de la réalité: "Il n’y a jamais de rapport entre ce qu’on sent et la réalité, en dépit de ce qu’on veut nous faire croire."
Sa seule distraction, les confidences d'une amie de travail qui lui conte ses aventures. "…le professeur devait lui rappeler d'anciens acteurs américains, des hommes qu'elle avait beaucoup admirés autrefois dans sa jeunesse, qui peut-être l'avaient fait rêver, auxquels elle avait prêté les qualités de solidité, d'énergie, l'élégance charmeuse et tendre qu'une femme souhaite - et qu'elle ne trouve presque jamais.
Elle-même semble n'attendre rien, séparée depuis peu de son ami marié tout récemment. Sa mère malade est sur le point de mourir. Seule sa tante Louise semble heureuse dans sa bulle, vivant de souvenirs qu'elle ne partage pas. 
"Je savais que plus rien ne romprait ma solitude.
Dans le quartier, près du jardin des plantes, où elle demeure, sévit un tueur en série. Et si elle s'en inquiète c'est pour s'interroger sur les victimes, sur leurs impressions, leurs derniers moments : "Comment l'homme l'avait-il abordée? Avait-il simplement commencé à la suivre, l'avait-elle aperçu? Avait-elle eu ce bref bonheur d'être choisie? Ou bien n'en avait pas eu conscience.
Au parc, des kangourous captifs dans leur enclos sont spectateurs indifférents de ces crimes commis. 
Pourtant, avertie, lorsqu'elle fera la connaissance d'un homme qui s'intéressera à elle, elle se laissera conduire peu à peu au fil des rencontres et des rendez-vous devant la grille aux kangourous : "Est-ce qu'une femme n'y pense pas toujours? Est-ce qu'une femme d'une certaine façon, n'est pas toujours prête? Cette attente vague que quelque chose vous arrive…".  
Une sorte de suicide en somme. 


 

La forêt muette, de Pierre Pelot
lecture par Marie-Françoise :

Dans la forêt  vosgienne,  travaillent deux bûcherons. Ils y abattent et débitent les arbres seuls, péniblement et dangereusement durant de longues semaines au fin fond d'un ravin profond et hostile, dénommé "Cul de la mort". S'y égare une touriste étrangère que l'un d'eux "à la cervelle un peu fêlée" prend pour une fée. Elle ne connaît pas leur langue. Ils la recueillent, lui procurent de la nourriture, lui prêtent leur camionnette pour la nuit, durant laquelle revenus à l'état sauvage, et fous,  ils finissent par la violer, la tuer etc... Son cadavre débité en morceaux est jeté dans un trou d'eau de la rivière où il sera impossible de la trouver..., à l'endroit même où durant la précédente guerre l'un d'eux alors adolescent, a vu faire disparaître atrocement de la sorte quantité de cadavres... la forêt, témoin muet gardant à jamais le secret de ces morts.
Un récit saignant, dur.
L'auteur Pierre Pelot, vit dans les Vosges, il décrit très bien le bûcheronnage, la forêt, ses éboulis, ses coins reculés,  inaccessibles aux hommes qui, s'ils y séjournent seuls trop longtemps et pour peu qu'ils soient fragiles y perdent la raison.

 

À la recherche de Rita Kemper, de Luna Satie (éd. Série Noire Gallimard, 2002)*
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Rita Kemper, une rock star s'était donné la mort en scène devant ses milliers de fans. Mais son corps avait mystérieusement disparu et l'on avait retrouvé son jardin truffé d'une quarantaine de cadavres. Par la suite, ses musiciens disparaissaient les uns après les autres, ou se donnaient la mort. Greg, journaliste, chroniqueur du groupe de musique de la chanteuse disparue, et qu'il ne croyait pas coupable, vient à son tour de trouver la mort dans un étrange accident de voiture, au côté de l'un des derniers musiciens survivants. Son épouse Mary, également journaliste de métier, souhaite trouver le lien entre cette mort et la star disparue. Elle enquête : Qui est à l'origine de toutes ces morts ? -- Rita, malade de drogue et névrosée ? -- Un être démoniaque auquel elle aurait vendu son âme pour conserver sa belle voix ? -- Ou les agents de la sécurité nationale, dans le but d'enrayer la machine de ce groupe aux chansons subversives ? Lorsque au terme de son enquête, Mary comprend enfin la chanteuse Rita, c'est pour sa propre perte, elle en sait trop, et meurt sous une rafale de balles.

Ce roman noir, policier, aux détours étranges et inattendus se passe dans le milieu drogué de la musique rock, gothique, des années 2006. Bien écrit, bien construit, captivant, il ne laisse pas indifférent. En effet entrent en jeu des préoccupations contemporaines : jeunes attirés par la drogue, influence des sectes, rôle de la police secrète. Il s'en dégage une atmosphère pesante, voire oppressante, on frôle le fantastique. Nous avons été particulièrement sensibles à la qualité d'écriture de ce jeune auteur féminin, et notamment à l'enchaînement, voire l'enchevêtrement qu'elle a donné à son récit jusqu'à nous amener à un dénouement ambiguë.

 

Louie, d'Alain Gerber (éd. Fayard, 2002)*
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Le récit est écrit à la première personne. Louis Amstrong lui-même parle dans une langue simple, des phrases courtes parsemées d'humour et d émotion. Agréable, il se lit très facilement malgré ses 400 pages.

Très documentée, cette biographie romancée de Louis Amstrong intéressera non seulement les véritables amateurs de jazz pour qui les noms de tous les pionniers de cette musique évoqués ici seront parlants, mais aussi toute personne s'intéressant à l'histoire de l'Amérique du début du siècle. Pourtant, il ne faut pas y chercher de vérité historique, Alain Gerber revendique le privilège de faire œuvre de fiction pour laquelle il s'appuie sur : -- les confidences de Louis Amstrong lui-même dans les deux livres de souvenirs qu'il a publié sous son nom. -- les souvenirs de plusieurs protagonistes de l'époque, avec ce que la mémoire peut avoir de défaillance, d'illusions rétrospectives, de souci plus ou moins conscient de se donner le beau rôle. -- des témoignages de jazzmen traditionnels -- les racontars pittoresques, galéjades, précisions plus qu'approximatives et fausses informations qui ont couru sur lui.

Il faudrait lire cette biographie en écoutant Louis Amstrong jouer de sa trompette, alors les passages où Alain Gerber nous décrit son jeu en seraient magnifiés. Car, si Alain Gerber nous relate, la jeunesse et les débuts de Louis Amstrong dans les quartiers noirs et malfamés de La Nouvelle-Orléans, on n'y ressent pas l'émotion du Faubourg des coups de trique ou d'Une sorte de bleu. Il est en effet difficile d'éprouver et de transcrire les sentiments d'un autre, même si une commune passion - ici le jazz - vous en rapproche.

 

Chutes de pluie fine, de Jean-Michel Maulpoix (éd. Mercure de France 2002)*
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Ce carnet de voyage nous fait partager les impressions et ressentis de l'auteur lors de ses séjours dans différents pays du monde. Que l'on connaisse ou non les lieux concernés, il réussit à nous y transporter, avec un sens de la description particulièrement précis, au-delà des clichés de touristes. En outre, à travers cette prose poétique, l'on découvre un homme émouvant, pudique, qui dévoile à peine ses sentiments et cherche, peut-être grâce à ses voyages, à se découvrir lui-même. Ce livre nous a paru très agréable à lire, même si certain lecteur n'a pas réussi à prendre part vraiment au vague à l'âme de l'auteur, touriste privilégié, qui revient sans cesse comme un leit-motiv au fil des chapitres. Mais n'est-ce pas précisément le propos même du livre annoncé par le titre : " chutes de pluie fine " ?

 

La deuxième mort de Toussaint-Louverture, de Fabienne Pasquet, (éd. Actes Sud, 2001)*
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Dans ce livre de fiction, Fabienne Pasquet évoque Toussaint-Louverture, homme politique et général haïtien (1743-1803). Il appela les noirs à soutenir le gouvernement français qui venait d'abolir l'esclavage dès 1791. Ce nègre tint tête aux Espagnols et aux Anglais pour le compte de la France. Mais donna ensuite du fil à retordre à Bonaparte en voulant créer une république noire, ravir Saint-Domingue à la France. Il dut capituler devant l'expédition de reconquête sous le commandement de Leclerc. Fut arrêté, emmené en France et interné au Fort de Joux près de Pontarlier, où il mourut peu de temps avant que ne soit proclamée l'indépendance d'Haïti (1804). Car le vent de liberté soulevé ne s'était pas arrêté avec son arrestation et gagna d'autres colonies.

Habilement évoqué par le biais du fantastique, ce personnage hante encore, quatre ans après sa mort, sa cellule que Fabienne Pasquet imagine occupée par le prisonnier Heinrich von Kleist (1777-1811), prussien, poète, monument futur de la littérature allemande, auteur de drames romantiques qui lui aussi fut incarcéré à Joux.

Elle imagine Kleist sollicitant d'occuper cette cellule de préférence à une autre, par admiration pour son ancien occupant qui lui aussi s'était opposé à Bonaparte. Kleist invoquant Toussaint-Louverture au point de matérialiser son âme errante, son fantôme. Elle les fait donc se rencontrer, vivre quelques semaines ensemble. Et ces quelques semaines de promiscuité vont être l'occasion pour le lecteur d'assister à un étrange dialogue. À partir de leur discussions, l'auteur retrace dans ses grandes lignes la vie, les motivations, les regrets, la maladie, la mort de ce héros historique.

Même si le procédé employé pour mener son récit peut agacer certain lecteur, l'intérêt de ce livre repose aussi sur l'évolution des sentiments de Kleist vis-à-vis de son compagnon noir, oscillant entre admiration, curiosité, amitié et dégoût.

Mais attention, ceci n'est ni du roman / roman, ni du réel / réel ! Le procédé employé ici laisse à l'écrivain une grande liberté d'imagination et d'invention. Ce n'est donc pas un roman historique à prendre à la lettre, des inexactitudes peuvent s'y glisser. D'ailleurs aucune liste bibliographique ne vient en fin d'ouvrage indiquer les sources de l'auteur. Ceci accepté, c'est un récit facile à lire et bien mené, malgré quelques longueurs.

 

La mort du roi Tsongor, de Laurent Gaudé (éd. Actes Sud, 2002)*
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Un conte, une épopée même, donné dans une langue moderne : phrases courtes, parfois même d'un seul mot.

L'auteur y reprend le thème de la guerre de Troie, transposée dit-il en Afrique, où les Rois se déchirent pour une femme, mettant en lambeau le royaume, décimant mutuellement leurs armées, envoyant des milliers d'hommes à la mort, inutilement, par fierté personnelle, pour ne pas céder. C'est le combat bestial pour la place du chef, pour le pouvoir. Constante de la nature humaine toujours d'actualité. La Belle elle-même, soit disant enjeu du conflit, est incapable de choisir son prétendant, comme son père le roi Tsongor qui s'était donné la mort. Elle finit par fuir seule. Survivra tout de même le fils cadet éloigné à dessein du carnage par le feu roi. À charge pour lui, de reconstruire le royaume !

L'auteur incorpore et adapte à son récit des légendes ou coutumes de civilisations antiques ou anciennes, que le lecteur averti reconnaît au passage : -- rites mortuaires de la pièce glissée dans la bouche du mort et payant le passage dans l'au-delà. -- Guerre de Troie -- Peuple des amazones, guerrières au sein coupé pour mieux tirer à l'arc, celles de l'antiquité, ou celles du Dahomey ? -- Edification de tombeaux somptueux pour le roi, on pense aux pyramides d'Egypte, aux guerriers de l'Eternité retrouvés en Chine.

Le tout, en un savant mélange nous donne un conte sanglant dans lequel les jeunes lecteurs friands de hauts faits trouvent l'attrait de la nouveauté alliée à une grande facilité de lecture.

 

Dumky, de Christophe Fourvel ( éd. La fosse aux ours, 2000) *
lecture par Marie-Françoise :

Six nouvelles qui portent en filigrane le titre Dumky pluriel, l'auteur nous le révèle, de Dumka : " La Dumka n'est ni un style ni une forme. Inspirée par les grands espaces de l'Ukraine qui en constituent l'origine, elle définit un état de l'être proche du spleen, alternance de mélancolie et de brefs moments d'agitation."

Il s'agit bien dans ce livre de nous faire partager cet état. Dans chacune des nouvelles, le narrateur se trouve en permanence en fragile équilibre entre joie de vivre et déprime. D'une sensibilité extrême pour -- " l'à coté des choses "-- de la vie, qu'il nous décrit dans une langue sans fioritures, toute en poésie, il note que "la présence de la mort rappelle le précieux des choses et du temps. "

Il raconte le jour ordinaire où il a appris que Tom allait mourir ; le village où il s'installe avec son amie qui le quitte et où il connaît un bref amour de vacances, "la tristesse qu'on se refile un jour ou l'autre avec l'amour. " Il emprunte regard et pensée féminines pour aborder la mort du père ; dépeint le paysage physique et mental fascinant des pays nordiques, mers, vent, froid où il traîne son noir -- "noir dilué, gris, gris clair à présent "--. Il relate un bref séjour en Albanie. 

Ses récits sont nourris de références littéraires, musicales, picturales. Un monde dans lequel le narrateur / auteur, grand lecteur -- " J'ai les yeux brûlés par la lecture "--, amateur de peinture, proche du théâtre, évolue : il vaut mieux les connaître pour apprécier pleinement ses textes. 

Enfin, s'il écrit, c'est pour tenter de révéler sa part inaccessible : " Il m'a souri avec la confiance que l'on accorde à ceux pour qui le silence suffit."

 

Pas tes mains mais ma bouche, d'Annelyse Simao (éd. La Dragonne, 2001)*
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

 Poèmes de forme moderne, que l'on peut qualifier d'érotiques, très bien écrits. Nous nous sommes laissées portées par ces mots très doux, sans vulgarité. L'auteur y évoque un homme irréel, le deuxième homme, celui des rêves peut-être. Il s'évapore un peu comme le rêve une fois le livre refermé.

 

Si peu, de Jean Grosjean (éd. Bayard, 2001)*
lecture par Marie-Françoise :

Dans son livre court de 72 pages, " Si peu ", écrit pour la collection " Qui donc est Dieu ? " de chez Bayard, Jean Grosjean nous fait revivre la lente émergence de l'idée de Dieu. Il part de la luminosité silencieuse des cailloux, en passant par l'éveil de la conscience de soi, l'histoire Sainte (Abraham, Moïse), l'Écriture, les prophètes, la vie de Jésus, la mort du Christ, pour arriver aux derniers mots du crucifié quand le verbe s'est fait chair. Pour ce faire, il s'exprime sous forme d'aphorismes en paragraphes courts, en constante progression de l'un à l'autre. Ses chapitres sont bien articulés, pas de longueurs, pas de lourdeurs, du simple. Il nous donne une idée de Dieu et de sa présence au monde à portée de chaque chrétien et de quiconque cherche au-delà du superficiel, des apparences, de l'anecdotique… Mais attention, ici pas de prêchi prêcha, c'est un livre sans prosélytisme.

 

Le pays des Ilithyes, de Roger Faindt (éd. Aéropage, 2002)*
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Après une catastrophe écologique de grande ampleur, la Terre est dévastée. L'eau, qui fait cruellement défaut est devenue la plus grande des richesses. Dans ce contexte, seules subsistent différentes peuplades : - les hommes et les femmes de la Cité, " médiocre copie de l'Ancien Monde matérialiste qui n'était que mensonge ". - les femmes du désert de sable appelées les Ilithyes, elles apprennent aux hommes comment aimer, en mariant passion avec esprit. - les hommes du désert appelés les Làôs, - les brigands des montagnes Rouges. Tout au long du livre, on suit le cheminement d'Alban, personnage principal, fuyant la Cité à la recherche des Ilithyes. Il va à travers différentes rencontres, faire l'apprentissage de ce qui importe vraiment : l'amour, et, au final, se découvrir lui-même.

Ce récit intéressera peut-être quelques jeunes friands de certains passages rappelant l'univers de " la guerre des étoiles ". Encore ne faut-il pas qu'ils y recherchent trop d'action.

Pour notre part nous avons regretté que, dès les premières phrases du livre, le lecteur soit assailli par quantité de personnages qui surgissent sans avoir été présentés, sauf sous forme de liste rébarbative à mémoriser en première page. Cela se pratique au théâtre, mais est difficilement accepté dans un roman. Le style théâtral, beaucoup de dialogues, parfois grandiloquents nous a un peu agacés. Les nombreux dialogues gagneraient, croyons-nous, à être épurés d'un trop dit et redit quant à cette quête de soi, de l'amour, du don… que l'auteur fait expliciter par ses personnages tout au long des pages.

Bref, ce semble être le récit d'un auteur débutant qui doit encore discipliner son écriture et éviter de se laisser emporter par trop de lyrisme.

 

Les Corymbelles, de Jean Girard (Atelier du Grand tétras, 2002)*
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

L'auteur est à coup sûr un amoureux de la nature en général, et de la Franche-Comté en particulier. Il y situe toutes ses nouvelles, qui baignent dans un univers bucolique. Ses personnages, hauts en couleurs, rappellent parfois ceux de Pagnol, à la différence d'accent près. L'auteur dans son avant-propos compare son recueil à cette inflorescence particulière qu'est le corymbe, structure botanique caractéristique où toutes les fleurs, bien que leurs pédoncules prennent naissance à différents niveaux de la tige principale, s'épanouissent sur le même plan. C'est malheureusement l'impression qui se dégage de cet ensemble de nouvelles gentillettes et pourtant bien écrites : aucune n'émerge vraiment du lot et le lecteur y reste assez indifférent.

 

Opus Incertum 1984 - 1986, de Roger Munier (éd. Gallimard 2002) *
lecture par le groupe du Café littéraire luxovien :

Série de pensées notées au fil des mois et des saisons qui passent. S'imbriquant plus ou moins l'une dans l'autre, comme en désordre. L'auteur s'interroge, ou constate et relate en des phrases courtes ses réflexions du domaine philosophique. Ouvrage à conseiller à des lycéens dans le cadre de leur cours de philosophie, mais qu'on voit difficilement remporter l'adhésion du lecteur ordinaire pour un prix grand public*.

 

* Il s'agissait du Prix Marcel Aymé décerné par l'Association du Livre et des Auteurs Comtois (ALAC), pour lequel il était proposé ainsi que les dix titres ci dessus qui ont fait l'objet d'argumentaires soumis au vote des web-lecteurs du 28 au 20 avril 2003 lorsque Pierre Perrin en était le président.

 

 

Putain d'usine, de Jean Pierre Levaray (éd. L'Insomniaque)
lecture par Sophie :

Un tout petit livre autobiographique, passionnant, très dur moralement à lire sur la vie de cet homme, employé dans une usine du même groupe AZF en banlieue de Rouen (il a environ 45 ans, et est un passionné de lecture !).
Il nous raconte sa vie d'ouvrier, de syndicaliste, avec ses angoisses, l'ennui, la fatigue, les joies, la mort et toujours avec une seule idée " peut être qu'un jour l'usine explosera ", comme celle de Toulouse.
C'est un livre formidable, que j'ai lu très vite, vu l'intérêt du sujet, mais c 'est aussi un petit livre (94 pages). 
J'ai eu la chance de rencontrer l'auteur, au comité de lecture*, très humble, et très discret, il ne parlait jamais de son livre, pendant plusieurs mois, je l'ai côtoyé sans que je sache qu'il avait écrit un récit de sa vie, c'est une de ses amies qui en a parlé un jour et qui nous a présenté le livre.
Ce livre nous prend aux " tripes ", mais en même temps, on y trouve une grande lueur d'espoir. Je viens d'apprendre qu'il a sorti ou qu'il va sortir en janvier une suite, je vais l'acheter sans problème.

* Sophie, notre correspondante tient une bibliothèque de village près de Rouen.

 

Ce que veulent les femmes, d'Elisabeth Berg
l
ecture par Sophie :

Le mari de Samantha a décidé de la quitter après vingt ans de vie commune. Elle se retrouve seule avec son fils dans leur maison et veut s'inventer une vie qui lui ressemble.

Elle a très peur d'affronter l'avenir. Elle décide de prendre des locataires car elle ne travaille pas et a besoin d'argent (une vieille dame délicieuse, un coiffeur raffiné, et une étudiante déprimée). Ces personnes lui feront voir un peu le monde différemment, ainsi que Kim, un homme très gentil et doux, qu'elle rencontre lors de l'arrivée de l'une de ses locataires. Mais entre eux, il n'existe qu'une simple amitié.

Elle est aidée par sa mère, et sa meilleure amie, qui sont un peu envahissantes ! Toutes les personnes qui vont traverser sa vie vont l'aider à vivre sans son mari, à être indépendante, et à se découvrir elle-même.

Roman purement américain, très facile à lire, avec des moments de rires, mais aussi de pleurs. On découvre les difficultés que peut rencontrer une femme après un divorce, et comment se reconstituer avec bien des doutes.

 

Les gens de l'été, de Janine Montupet
lecture par Sophie :

L’action se passe à Paris et aux Etats Unis sur la côte est, au temps des années folles.
Louis Gabriel , jeune homme parisien issu d’une grande famille, va être envoyé aux Etats Unis pour régler une affaire familiale et surtout commerciale.
Il va y rencontrer les gens de l’été (personnes riches, menant la grande vite l’été sur les plages des Etats Unis), et une femme au regard exceptionnel !
Ce roman nous fait découvrir l’atmosphère des années folles et le luxe. C’est aussi une histoire d’amour assez tragique.
Je n’ai pas aimé spécialement ce livre, mais j’ai absolument voulu connaître la fin et je n’ai pas regretté, car elle est assez surprenante et pas du tout comme on peut l’imaginer au début du roman.

 

Le Cabalaire, lieudit d'un récit, de François-René Daillie (éd. Philippe Olivier)
relecture par Marie... et FRD :


    Un homme peut-il être assez fou pour partir, vingt-deux ans après l'avoir rencontrée brièvement lors d'un voyage en
train, vers une femme inconnue dont il ne connaît ni le nom, ni l'adresse, tout au plus celui du village où elle vivait jeune fille, et la profession de son père? Oui, s'il ne l'a pas oubliée tout à fait et est assez sensible et réceptif au point d'entendre son appel de détresse traversant l'espace et le temps. Après toutes les années passées et les femmes qu'il a aimées, il n'est plus un jeune homme, elle n'est plus une jeune fille. Mais leurs cœurs sont restés les mêmes. Aussi part-il à sa recherche sans abandonner pour autant Perle, sa dernière compagne à laquelle il confie en pensée les péripéties de cette quête nécessaire. Ce voyage de deux journées d'octobre le mènera à la croisée des chemins. Qu'est devenue la belle Inconnue? La trouvera-t-il? Qu'adviendra-t-il de Perle? Aura-t-il à trancher entre ses deux amours? Lui qui a le coeur si grand qu'il se sent porté vers chaque créature.
     "Perle? Ce qui se lève, ce qui surgit, reprend source et va naître? Pour prendre sa source où que ce soit, il faut bien y aller, y retourner sans cesse. "Orient de plaisir et midy de joye", la quête de l'autre? D'abord, être celui qui t'ouvres, toi
Toi TOI. Toi l'Aimée et plus loin encore en avant : TOI, qui que tu sois."
      Un récit, on le voit, aux accents nervaliens. Nerval, en effet, s'y devine bien souvent, y compris sous la forme de citations textuelles fondues dans le propre texte de l'auteur.
      Livre captivant, plein d'amour, poignant aussi, à lire comme l'auteur le conseille moitié en une soirée d'automne, moitié le lendemain pour respecter la chronologie du voyage et vivre ce que vit ou se rappelle le protagoniste, lequel est tout entier perception et souvenir et ne dit jamais "je" mais, s'adressant à tout moment à Perle, "tu", et seulement parfois "nous".
      Car François-René Daillie, employant une technique narrative originale, nous entraîne en temps réel dans les menues péripéties de ce voyage ou celles du voyage ancien, projetant comme sur un écran les images du paysage, les sauts de pensées de son personnage, telles qu'elles lui viennent au gré des sensations, des conversations, des souvenirs… dans une écriture agréable, poétique, toujours belle.

   

Meunier tu dors, de François-René Daillie (éditions Nykta)
lecture par Marie-Françoise :

     Avec un titre de ronde enfantine Meunier tu dors nous plonge d'emblée dans une atmosphère de conte -- "le vieux moulin semblé maudit, la vieille qui l'habitait... fait l'effet d'une fée malfaisante ou d'une sorcière"--, et d'énigme : "Veuve depuis peu en ce début d'août (mais pouvait-on dire qu'elle l'était ou seulement abandonnée ? )"

     Menant la vie simple des Donzyrons des années 30, un enfant aux cheveux paille, au regard bleu, amoureux du pays où il passe ses vacances, de l'étang aux abords duquel dansent la nuit d'inquiétants feux follets, se trouve confronté au mystère de la disparition de l'ancien meunier.

     Et l'enfant avec son amie se prend au jeu de l'enquête. "Disparu! Ça fait des semaines. Personne ne sait ce qu'il est devenu. Ça m'étonnerai pas que ce soit elle." Les policiers louvoient entre les rumeurs chargeant la meunière, les déclarations contradictoires, le manque de motif réel, de preuves...

     Ce petit polar, insolite dans l'oeuvre de François-René Daillie, poète,  évoque les thèmes qui lui sont chers : l'amour d'enfance, le pays aimé, les séquelles irréparables d'une guerre. L'auteur y décrit le quotidien et le labeur des gens de campagne, frustes et lourds de secrets, emploie leur patois et le vocabulaire précis des objets et des lieux... puis lâche soudain une expression désinvolte et qui prête à sourire : "Il s'est barré, c'est tout ! ".  Bref, il s'amuse et Meunier tu dors nous révèle un humour que ses oeuvres antérieures ne laissaient pas soupçonner.
   

 

Le divertissement, chronique du temps ralenti, de François-René Daillie (éd. L'Escampette)
lecture par Marie :

     Nous sommes en 1944. Le livre s'ouvre sur un thème musical de Mozart.  L' opéra et la figure de Don Juan tel que l’a vu le compositeur et fait vivre par sa musique, accompagneront  l’oeuvre jusqu’à la fin. L'auteur nous propose en effet en la personne d'Antonio Conti, professeur, un Don Juan moderne, émouvant, qui relate les événements ayant entraîné la mort de Sylvie, une jeune étudiante dont il est épris.

     Au fil de son récit, ce professeur, séducteur, narrateur, est amené à évoquer ses autres amours. Plusieurs types de femmes défilent. Il cherche Celle qui les rassemblerait toutes, car " sans se l'avouer, Don Juan est en quête de l'amour parfait ".
     Sylvie aurait-elle incarné enfin l'amour idéal ? Il veut le croire comme chaque fois qu'il aime, mais n'aura pas le temps de le vérifier puisqu'elle perdra la vie. La jeune fille s'étant embarquée par amour pour lui - du moins c'est ce qu'il croit -, dans un acte de sabotage. Il restera sur cette incertitude " douloureusement comme un manque, un désir inassouvi, une soif jamais étanchée. "
     Ce divertissement est pascalien. Pour Don Juan l'amour est la " seule façon d'oublier sa condition d'homme - fini, lié au temps - et ainsi de se croire éternel ". 
     Ainsi le livre fouille jusqu'aux ressorts de l'amour : " Conti, as-tu jamais eu conscience que c'était toi ou ton propre reflet, que tu aimais dans une autre, ou la projection de cette autre sur ta propre flambée intérieure ? ".

     François-René Daillie situe son récit dans un Lyon qu'il connaît bien, celui de la seconde guerre mondiale, du bombardement du 26 mai 44, dans le milieu de la résistance, de ses filières, et du maquis, où l'erreur, la distraction, la jalousie, ne pardonnent pas. Mais si le temps de guerre, les rapports entre résistants, la préparation des actes de sabotage, la vie dans le maquis, etc. sont très bien relatés, ils semblent n'être qu'un moyen de mettre la mort face à Antonio Conti, puisqu'elle le rattrape et le frappe dans les femmes même qu'il a aimées : " A moins qu'il ne me reste rien du tout, que toutes ces voix meurent avant la mienne, que je me retrouve seul pour mourir, seul comme je suis né ? ".

 

Élisa ou la maison malaise, de François-René Daillie (éd Fédérop)
lecture par Myriam :

     C'est un curieux roman qu' "Élisa ou la maison malaise". Le récit d'une relation particulière entre une jeune Chinoise aux réactions étranges et un Français qui pourrait être son père.  
    
Un roman, mais aussi une façon pour l'auteur de nous faire partager son amour et sa connaissance de la Malaisie, où il a séjourné plusieurs années. Architecture, villages et villes, paysages, éléments de la faune et de la flore, habitants, fêtes et coutumes, tradition orale et écrite, histoire, situation politique même... sont abordés.
     Le récit est ponctué de pantouns, poèmes malais, qui donnent, dès le premier exergue, le ton du livre. Comme dans les pantouns rien n'y sera choquant, tout sera avancé avec délicatesse, dans une langue toute en finesse.
     La relation entre Élisa et François Morel, alias Vincent Desprès, écrivain, est contée presque à rebours, avec d'incessants retours en arrière, tantôt à la troisième, tantôt à la première ou à la deuxième personne, au gré des états d'âme du narrateur protagoniste. Élisa ne sait pas qu’il y a un quart de siècle il fut l'amant de sa mère, Mei Li. Lui, ne sait pas que neuf mois après leur courte liaison, Mei Li, mit au monde une enfant, dont Élisa a l'âge...
     Ils sont irrésistiblement attirés l'un vers l'autre, l'un par l'autre. Une attirance amoureuse ancrée dans le présent, sans que son "Lord" rende visite à sa "Lady"... car "Peut-être y avait-il en elle, au plus profond, quelque chose qu'elle ne soupçonnait pas, qui par moments se dressait entre nous", mais surgie du passé, de par les traits mêmes d'Élisa : "C'est pour lui une beauté familière, gravée dans les replis les plus obscurs de la mémoire." Il a pour elle de touchantes attentions, quasi paternelles. Dues à la différence d'âge ? À l'attirance naturelle qu'éprouve un père pour sa fille ?...une fille pour son père... ? ou celle d'un homme mûr qui pourrait l'être...
À moins que ce ne soit la présence d'Élisa qui ravive en lui la pensée de Mei Li ? qu'il n'a jamais oubliée... " Il se sent emporté vers des lieux et des temps sans lien avec sa vie présente". " Le visage d’Élisa, toute la beauté de la Chine éternelle" "… toute cette beauté, enfuie−enfouie ? (…) réincarnée. "
     Ensemble, par une sorte de jeu, ils tentent de mettre à jour, de faire revivre pour l'écrire, l'histoire de Hollandais (homme et jeune femme, père, épouse, sœur ou fille ?) dont les noms sont inscrits sur d’anciennes pierres tombales datant du XVIIe siècle, à Malacca. Écho de leur propre ignorance et quête sur ce qu'ils sont eux-mêmes l'un par rapport à l'autre. "J'aurais pu être Vincent de la Pasture, puis on aurait hollandisé mon nom", dit-il, "Peut-être en cette Charlotte, jadis, à mon insu avais-je déjà en vue mon héroïne fantôme d'une vie perdue et retrouvée ?". Et Élisa de demander : "Tu raconteras notre histoire ?" .

     La narration soudain s'accélère, qui les mènera au drame feutré. Puisqu'en recherchant l'étrange Élisa disparue, − femme-enfant qui aimait les poupées, qui écrivait en même temps ses rêves énigmatiques sous forme de contes cruels dans lesquels l'effrayant héros Zainal tue les femmes qu'il a prise et s'écrie : "Ah Seigneur, pourquoi donc m'as-Tu doté de ce tyrannique appendice?", Élisa qui se mêlait de politique dans ses poèmes −, il se retrouvera devant la maison où vivait jadis Mei Li. Maison que la jeune fille lui avait toujours cachée, de même qu'elle ne l’avait jamais présenté à sa famille. Par prudence. Ou serait-il possible qu'elle ait su ? Maison en tout cas qui se révèlera douloureusement, à François/Vincent, être celle de Mei Li, qu'il ne connaît que trop bien. Où celle-ci vit toujours. Découverte qui le laisse désemparé puisque plus rien n'est désormais possible... ni avec la mère, ni avec la fille. D’autant que le doute plane, qu'Élisa soit de lui.
     Il se laissera rapatrier en France, par avion, par la police du pays qui le suspecte puisque ami d’Élisa momentanément incarcérée à cause de ses idées politiques. Sans broncher, "L'évasion en pleine lumière", étant le seul remède possible pour lui qui était venu se documenter sur les maisons malaises. Ces maisons qu'il aime, dont il parle comme de personnes vivantes. Mais une "maison", c’est aussi les personnes qui l'habitent, une famille. Et découvrir la maison d'Élisa, c'était découvrir son secret, et en même temps la perdre… Le titre, tout en sonorités, le titre où la langue s'enlise, le titre qui rime avec "malaise", l'annonçait peut-être. Un livre finalement où se mêlent violence et tendresse, touchant, dans lequel on se laisse entraîner, et qu'on referme, comme le protagoniste doit s'éloigner, avec un certain malaise, qui perdure...

 

 

Le secret de Clara, suivi de  L'héritage de Clara, de Françoise Bourdin
lecture par Sophie :

Grande saga familiale. les Morvan font partie de la bourgeoisie parisienne. L'histoire se déroule à Paris dans un hôtel particulier et en Provence, demeure secondaire de la famille, sur plusieurs générations.

Clara, la principale héroïne de ces deux livres règne sur tout ce petit monde et veut malgré tous les déboires, les mésaventures, et les drames sauver le "clan Morvan".

Beaucoup de problèmes et de faits de société sont soulevés dans ce roman que je ne dis pas volontairement pour ne pas dévoiler l'histoire.

C'est plein de suspens et on ne veut pas quitter le livre pour connaître la fin. J'ai préféré le premier tome, mais ai lu sans problème le deuxième.

 

L'Occupation, d'Annie Ernaux
lecture par Sophie  :

Après avoir quitté son ami, celui ci lui apprend quelques mois plus tard, qu’il refait sa vie avec une autre femme, sans lui révéler son identité.
A partir de là, la narratrice ( ses romans sont autobiographiques) veut absolument la connaître. Elle en est jalouse, et totalement obsédée.
Comme elle le dit si bien, « c’est comme si elle était entrée en moi, c’est cette occupation que je décris »
Elle ne vit que par l’idée de découvrir l’identité de cette femme. Et pour une fois, ce roman n’est pas si noir que ses autres livres.
Un livre facile à lire, très court, mais on a envie de savoir comment elle va faire pour connaître les coordonnées de cette personne. J’ai eu envie de le lire pour connaître l’issue. Je trouve qu’elle dépeint bien les états d’âme de la femme.
Mais Annie Ernaux ,on adore ou on n’aime pas du tout. Personnellement, je l’aime beaucoup et j’ai presque tout lu ses livres. ce sont vraiment des romans psychologiques à la portée de tous, (je suis nulle en psycho !!!!!)
Est-ce du chauvinisme ? non je ne le crois pas, car cette femme est de ma région !

 

Couples avec enfants, de Nancy Thayer
lecture par Sophie :

Lucie West et Kate Cunnington se sont rencontrées lors d'une interview. 
Mariées avec des enfants, les deux familles sont devenues inséparables. Elles passent leurs vacances ensemble dans la maison de Lucie sur l'île de Nantucket, mêmes si leurs maris sont retenus par leur travail.
Jeremy, le fils de Lucie tombe malade, et elle apprend qu'il est atteint de la mucoviscidose, une maladie génétique, elle doit alors avouer à son mari une terrible nouvelle, peut être que Jérémy n'est pas son fils mais le fils de Chip Cunningham, avec lequel elle a eu une liaison.
Comment vont réagir les deux familles et leur amitié va t elle résister ? Surtout que Lucie était aussi complice des petites infidélités de Kate pendant les vacances.
Les quatre adultes vont découvrir tout un réseau de petites trahisons et de mensonges.
Roman avec une trame, et bien écrit. Un livre à lire pour se détendre.

 

Mayapura, de Christian Charrière
lecture par Adéla :

On peut lire sur le rabat de couverture : "Les îles de la Sonde à la fin du siècle dernier. Devant la proue des grands voiliers montent des villes somptueuses : Batavia, Sourabaya, Makassar... Mais John Sutterton, né en Irlande des brèves amours d'un ancien officier de la marine impériale française et d'une prostituée muette, recherche, à l'est de Java, Mayapura, la ville incertaine qui dresse au bord d'un lagon émeraude ses temples délabrés. Explorée au XV e siècle par un voyageur vénitien nommé Niccolo Conti, elle ne fut jamais redécouverte. Alors, toutes voiles déployées, les grands vaisseaux tracent leur sillage dans la mer des Célèbes, à la recherche de la cité légendaire et de l'ancien savoir... Mais Mayapura existe-t-elle ? N'est-elle pas plutôt la capitale de ce monde parallèle, dont John Sutterton sent sous ses pas la présence confuse ? Monde parallèle, vie absente, lointains, le livre avoue sa nature romantique : une quête spirituelle, certes, mais aussi la nostalgie du pays des princes, cet autre versant du réel dont nous sommes, dans l'écume de nos jours, les plaintifs exilés."
Ce livre ne déçoit pas et nous laisse sur l'impression étrange et poignante que dans ce monde réel nous ne sommes que de simples marionnettes qui croient vivre, alors que leur sort est réglé déjà de l'autre côté quoiqu'elles fassent.


 

Énigme des pierres, de Patrice Llaona (Atelier du Grand Tétras)
lecture par Marie-Françoise :

Que savons-nous des pierres? A part leur composition physique et chimique, leur lente formation. A part ce que nous en disent les géologues, les minéralogistes. Rien. "Ils ne disent rien du souffle qui anime tout ça, qui coagule et éparpille les éléments, qui rapproche et éloigne le vivant et l’inerte".

Patrice Llaona, collectionneur ou plutôt, comme il le dit lui-même "ramasseur de pierres" qu’il choisit pour leur aspect, leur texture, leur forme belle ou étrange,  l’appréhende de façon poétique dans ce petit livre où il les évoque de manière inhabituelle en  phrases et paragraphes courts.

De ces pierres auxquelles on dénie la pensée, la conscience, la vie, qu’en est-il?
Ne naissent-elles pas arrachées à la roche mère? "en criant" dit l’auteur.
Ne gardent-elles pas concentré en elles "le feu originel qui les forma, les vomit", la force tellurique prête à se déchaîner?
Ne témoignent-elles pas de ce qui est passé : "Leur espace du dedans est dense, large, mémoire des mers, des ciels, des grandes pluies, des frimas, des soleils ancestraux"?
Ne subissent-elles pas malgré leur apparente immobilité et immuabilité, la dure loi du temps qui passe: "Par l’érosion imperceptible et implacable des jours, cette forme changera. La dureté des pierres les rejette de l’éternité"?
Ne sont-elles pas "sujettes aux blessures toujours ouvertes qui ne guérissent jamais, aux cicatrices indélébiles, mais sans ce sang obscène et chaud des êtres animés"?

Autant d’énigmes que le poète soulève, "Je ne sais quelle âme dans les pierres répond à mon âme", de sorte qu’après la lecture de ce petit livre dense, on ne regarde plus le monde minéral, les pierres et les cailloux de la même manière.

 

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