Le Café Littéraire luxovien / Les Petites fugues 2011  

Sur le thème : Dix ans déjà... jeune ou vieux?

 

 

 

Rencontre avec Christian Garcin

 

Christian Garcin à Luxeuil en compagnie de Julie Mottet et de Marie-Françoise Godey - Photo: Bernadette Larrière
Christian Garcin à Luxeuil en compagnie de Julie Mottet et de Marie-Françoise Godey
Photo: Bernadette Larrière

Le Café Littéraire luxovien recevait l'écrivain
Christian Garcin
le 22 novembre 2011 à 20 h.
à la Bibliothèque Municipale de Luxeuil-les-Bains,
avec l'aide du CRLFC,  
dans le cadre des Petites fugues, festival de
littérature contemporaine itinérante en Franche-Comté
.

 

Par Marie-Françoise :

      Son livre Du bruit dans les arbres se terminant par : "Je les accueillerai en leur disant […] que tout se trouve dans mes livres, uniquement là, et que la littérature est ainsi faite que le souvenir écrit remplace peu à peu le souvenir vécu", on aurait pu penser que Christian Garcin nous lirait longuement des extraits de ses œuvres. Des extraits qui le dévoileraient. Ce ne fut pas le cas.

      Préférant utiliser le temps précieux de la rencontre à répondre aux questions des lecteurs plutôt qu'à lire, même s'il ne s'y est pas refusé, il n'avait pas apporté d'exemplaires personnels de ses livres marqués de signets comme le font le plus souvent les écrivains reçus, rien préparé à l'avance.

      

Christian Garcin à Luxeuil - Photo: Bernadette Larrière
Christian Garcin à Luxeuil
Photo: Bernadette Larrière


      À travers ses réponses aux diverses questions, il développa son sentiment sur l'écriture. Elle révèle l'écrivain à lui-même en premier lieu : "Il me semble souvent que je ne peux penser réellement une chose que si je me mets à l'écrire". Et au lecteur à travers ses fictions. "L'écrivain est dans ce qu'il écrit" "On peut connaître un auteur en le lisant, d'ailleurs on ne devrait le connaître qu'en le lisant, affirme-t-il, même si je vous parle ce soir…"

      Pourtant, si la fiction peut révéler beaucoup de celui qui écrit, Christian Garcin ne croit pas en la sincérité en littérature, y compris dans l'autobiographie, celle-ci étant pour lui de la "fiction maîtrisée" : "la réalité ne se vit qu'une fois, dès qu'on se met à la rapporter, on la modifie." Qu'on le veuille ou non.

      Il fut aussi question du silence, "silence qui fascine nombre d'écrivains avec la sensation confuse que ce qui est vraiment essentiel reste informulé et qu'on n'arrive pas forcément avec les mots à saisir la réalité. C'est pourquoi Rimbaud a arrêté d'écrire, il avait une soif d'absolu trop grande", de "cette espèce de mystère d'un silence qui serait la source de la vérité et que les mots ne feraient que déformer".

      C'est peut-être pourquoi Christian Garcin est tant fasciné par les animaux, ces êtres sans parole qu'il met en scène, brièvement, en quelques lignes, dans certains de ses livres : "Quand un animal nous voit, qu'est-ce qu'il voit? Quand un animal voit le monde, qu'est-ce qu'il voit? Qu'est-ce qu'il perçoit de la réalité? On ne pourra jamais le savoir".


      Pour les lecteurs qui ne l'avaient pas lu en amont de la rencontre il donna quelques clefs pour aborder son œuvre. Pour aborder ses romans qu'il écrit le plus souvent à la suite d'un court texte de départ, sans plan et sans savoir où cela le mènera. Sur l'organisation de son ensemble fictionnel qui s'est structuré peu à peu avec des faits, des liens, des passerelles d'un roman à l'autre. Chaque roman pouvant cependant être lu séparément. Un peu comme chez Borgès, dit-il, un auteur qui l'a marqué et qu'il aime à citer, de même qu'il cite Kafka dont il se sent très proche, et Faulkner qu'il dit être pour lui, le plus grand.

 

Christian Garcin à Luxeuil - Photo: Bernadette Larrière
Christian Garcin à Luxeuil
Photo: Bernadette Larrière


      Il confia ne pas savoir du tout pourquoi certains thèmes comme la disparition, la recherche, l'enfouissement reviennent dans ses livres. "L'avantage quand on est écrivain, c'est qu'on appelle çà des thèmes, mais si je n'étais pas écrivain, on appellerait ça une névrose, j'imagine…" On voit qu'il ne manque pas d'humour. Humour discret qu'on retrouve naturellement dans ses livres.

      Questionné sur la fin pessimiste des nouvelles de La neige gelée ne permettait que de tout petits pas, Christian Garcin précisa que ce titre vient d'une phase de Kafka, et que les fins de ces nouvelles n'étaient pas forcément pessimistes, qu'elles pouvaient être vues comme une ouverture. Que ces fuites étaient peut-être un pas vers plus de bien être. Il pense que secrètement tout le monde a eu envie de cela, de la fuite, de la rupture, de prendre la tangente. Que certains l'ont fait, à divers égards. "Personnellement dans ma vie privée il m'est arrivé de tourner le dos à ma vie passée, de rompre avec tout." Et pour en revenir aux fins de ces nouvelles, il précise que ce ne sont pas des nouvelles à chutes, qu'il n'aime pas les chutes, même en tant que lecteur. Il aime les fins ouvertes qui laissent de la place au lecteur pour interpréter la fin comme il l'entend.

      Quant à savoir pourquoi il est tant attiré par l'Extrême-Orient, c'est peut-être, émet-il l'hypothèse, parce que ses ancêtres maternels étaient des navigateurs qui se rendaient en Chine et au Japon, qu'il y avait des objets de ces pays-là dans la maison de sa grand-mère, que celle-ci lui avait dit "Tu iras en Chine". Peut-être aussi pour des raisons chromosomiques : il y aurait dans la famille des ancêtres d'Extrême-Orient. Cela expliquerait qu'étonnamment la première fois qu'il s'est rendu en Chine il s'est senti à l'aise, à la fois perdu et à l'aise.
 
     À l'aise, Christian Garcin l'était aussi dans ses réponses, même si certaines questions furent un peu délicates. On sent qu'il est habitué des rencontres. Après avoir exercé plusieurs métiers, abandonnés pour vivre uniquement de son écriture, elles font partie de son "métier" d'écrivain et lui sont nécessaires.


 Christian Garcin à Luxeuil, séance de dédicace
Photo: Bernadette Larrière

 

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