Le Café Littéraire luxovien
/Rencontre avec un écrivain (
2)

 

Dernière mise à jour :  5 août 2016

 

 

 

Passion cheval avec Anne Delsart

 

anne delsart_photo© Photo M-F.G
Photo M-F.G

Anne Delsart
était l'invitée du
 Café Littéraire luxovien, 
 l'après-midi du 24 juin 2016, 
au Centre Social Saint-Exupéry
 à Luxeuil, sur le thème: 
"La figure du cheval dans la littérature"
 et autour de son récit
Éléana

par Marie-Françoise:

      Entrant d'emblée dans le vif du sujet, Anne Delsart proposait d'admirer des photos en feuilletant deux magnifiques albums couleur: Chevaux de Yann Arthus-Bertrand (éd. du Chêne avec des textes de Jean-Louis Gouraud), et Chevaux, de Gabrielle Boiselle (éd.White Star), s'attardant sur le versant équithérapeute de l'animal qui y est évoqué, puisque son récit personnel intitulé Éléana (éd. Edilivres 2015) qui témoigne de son amour des chevaux et du rôle qu'ils ont joué dans sa lutte contre un cancer, en est une belle illustration. 

      Vite l'on s'aperçut qu'Anne, non seulement aime les chevaux (ce depuis l'âge de cinq ans, même si elle n'a pu commencer à les monter qu'à près de trente trois ans et plus tard encore en acquérir deux: Ananas, puis Liam) et connaît parfaitement le vocabulaire propre à l'équitation et le comportement de ceux-ci (ce dont on s'était rendu compte à la lecture d'Éléana), mais que sur eux, elle sait tout, absolument tout. De leurs différentes espèces, et il en est de si nombreuses, de leurs caractéristiques, de leurs tailles, de leur robes, des allures qu'ils ont naturellement selon leurs races, des soins à leur donner, etc., etc.  Et elle a même, pour renseigner une personne qui disait être allergique à leurs poils et ne pouvoir, hélas, les monter, indiqué la seule race de chevaux dont le poil est anallergique! 

      Mais sa connaissance ne s'arrête pas là, du point de vue littéraire aussi, Anne, qui possède dans le domaine du cheval une imposante bibliothèque et est professeur de français, en connaît un rayon. De sorte que, si elle a présenté son propre ouvrage en lisant de larges extraits d'Éléana, elle a, pour le plus grand plaisir de l'auditoire réceptif et à l'écoute, fait quelques larges détours par d'autres écrivains. 

      Ainsi, lisant de façon très expressive l'un ou l'autre texte plein d'humour extrait de "C'est pas con un cheval. C'est pas con !...", anthologie d'écrits sur le cheval de Jean-Louis Gouraud ("la" référence dans le monde équestre) et Cie, elle nous a fait passer alternativement de la franche hilarité, avec les textes  intitulés: La cuiller écuyère (truffé de jeux de mots)de Richard Abécéra , La chasse à courre de Noé de Jean-Claude Racinet ou Le pas d'armes du roi Jean de Victor Hugo, à l'intense émotion lors de certains passages d'Éléana... sur son cheval perdu, sur tout ce qu'elle leur doit, pour revenir à des propos plus apaisés.

      Démarche que l'on trouve d'ailleurs dans son livre, non dénué d'humour, où les moments exprimant douleur et peine sont suivis immédiatement d'autres aux accents poétiques exprimant le bonheur qu'elle veut trouver, et trouve, malgré la maladie, au sein de la nature dont elle aime s'imprégner de la beauté ainsi que, bien sûr, de celle de ses chevaux, de l'amour et la complicité qu'elle entretient avec eux. 

      "Le cheval est un festival de délices quotidiennes. Il vous offre sa beauté, sa noblesse, sa force. Le vivre au quotidien, par le toucher, l'odorat, la vue,permet de s'oublier soi-même pour revivre en lui. On en ressort grandi..." Et elle confie que si elle s'est battue contre la maladie, c'est pour ses amours: son époux et ses chevaux.

      Une complicité avec ses chevaux qu'elle a acquise grâce au temps passé sans compter auprès d'eux. Une complicité exceptionnelle en ce qui concerne Anne et Ananas et Liam, que bien des cavaliers sont loin de savoir obtenir des leurs. 

      Bref ce fut une belle et enrichissante après-midi d'échanges. Anne Delsart, intarissable sur le sujet de ses chers chevaux, s'attachant à répondre généreusement avec précision et clarté à la moindre question. Un grand merci à elle.

 

Anne Delsart au Café littéraire luxovien_photo© Photo M-F.G
Les membres et visiteurs du Café littéraire luxovien à l'écoute d'Anne Delsart / Photo: M-F.G

 

PS. Avant de devoir, hélas, partir, l'après-midi étant déjà trop avancé. Anne a dédicacé quelques Éléana dans lesquels elle a apporté une récente amélioration: l'insertion d'un feuillet mobile qui définit les termes de l'équitation employés, de façon à en faciliter la compréhension au lecteur non cavalier.

 

Rencontre avec Guy Leduc et Claudine Véderine

 

 

Dans le cadre du 14ème anniversaire de la mort de St Colomban (615-2015), à la veille des journées du patrimoine, le vendredi 18 septembre 2015, au Centre Social Georges Taiclet à Luxeuil,
Guy LEDUC et Claudine VÉDERINE présentaient aux membres et amis du  Café Littéraire luxovien leur ouvrage intitulé: 
"Voyage au pays de Colomban".  

Ouvrage qui témoigne de la présence civilisatrice et humaniste du célèbre moine, et fait découvrir en 300 pages illustrées de photos la richesse du patrimoine historique et culturel de Luxeuil et des 70 villages alentours.

 

leduc vederine_photo© roland muhlmeyer
À droite: Guy Leduc et Claudine Véderine à Luxeuil 
Photo: Roland Muhlmeyer

 

      Si l'on veut aborder "Voyage au pays de Colomban" d'un point de vue littéraire, le personnage principal est, nous dit Guy Leduc, Luxeuil. Luxeuil et le territoire qui l'environne. Territoire qu'avec Claudine Véderine il a parcouru sur plus de trente mille kilomètres avant de le "mettre en récit", y rencontrant, des élus, des artisans, des artistes, des habitants avec lesquels ils ont créé des liens, ayant accès à de nombreux textes et archives. 
      Ce fut une longue enquête et une écriture de près de dix huit mois, nous confia l'ancien journaliste qu'est Guy Leduc, dans un territoire qu'ils ont choisi parce que celui-ci les a séduits sans même avoir entendu parler des festivités prévues pour 2015. Colomban y est longuement évoqué, en privilégiant l'aspect humain sur l'aspect cultuel, et c'est toute la région qui est ainsi mise en récit. Le titre donné au livre "Voyage au pays de..." le laisse d'ailleurs présumer.
      Cette portion du territoire de Haute-Saône a donc séduit les co-auteurs. Mais, explique Guy, ce territoire est un personnage taiseux, comme le sont en général ses habitants, un personnage qui souvent se mésestime. Et le point de vue extérieur de Guy et de Claudine qui n'en sont pas autochtones (Guy est originaire du sud Franche-Comté, et Claudine de Dijon ) est très valorisant. Guy faisant remarquer que cette région fut le point de départ de bien des choses par le passé, très lointain ou plus proche. L'occupation des lieux bien avant l'installation du moine, le scriptorium et l'école monastique où étudiaient les fils de rois, la métallurgie, l'Europe, puisqu'une réunion préliminaire au lancement de la CECA eut lieu à Luxeuil en 1950 dans le plus grand secret sous l'impulsion de Robert Schuman, la dentelle, le tissage, le thermalisme et les liaisons ferroviaires, entre autres... 
      Si aux 18 et début 19èmes siècles la région fut très peuplée et très active, au point de devoir agrandir les habitations dans de nombreux villages en leur ajoutant une aile en retour d'équerre, elle s'est malheureusement vue perdre vertigineusement ses effectifs en une dizaine d'années seulement. Épidémies de choléra, guerres et divers aléas industriels, économiques, en sont cause... 
      Y restent cependant des constructions remarquables et uniques en leur genre, des techniques de pointe et du travail d'art, envoyés dans le monde entier mais méconnus de la majorité des habitants... C'est une région qui a un fort potentiel a remarqué Guy Leduc en rajoutant à cette note optimiste le fait que dans bien des communes visitées les effectifs des enfants scolarisés s'accroissent ces dernières années, signe que des jeunes s'installent...
      On retrouve tous ces aspects évoqués, et plus encore, dans "Voyage au pays de Colomban", ouvrage sérieux, très documenté, instructif, rédigé dans une langue claire et agréable qu'on a plaisir à lire, d'autant que les textes et récits sont accompagnés de très nombreuses, belles et grandes photos couleur prises par Guy Leduc, des lieux, des personnages ou documents évoqués.
      Ainsi, "Voyage au pays de Colomban" est un vrai travail d'art, mené de bout en bout par ses auteurs, de la conception à la réalisation, l'édition et la vente*. Guy Leduc avec "Voyage au pays de Colomban" n'en est pas à son banc d'essai puisqu'il a à son actif plus d'une vingtaine d'autres ouvrages, principalement de "mises en récits de territoires", comme il aime à les nommer, qu'on doit certainement parcourir avec autant de plaisir, tant visuel que de lecture.
      Heureusement qu'il est des gens comme eux, des découvreurs ou re-découvreurs qui mettent en lumière les richesses oubliées ou négligées des patrimoines régionaux pour réaliser d'élogieuses vitrines des lieux qu'ils apprécient, des lieux où ils voyagent, qu'ils prennent le temps de fouiller, dont ils deviennent "habitants de cœur".

 


Affiche de l'expo photos de Jean-Louis Bajolet

PS. Parlant de cœur, iI est à noter que la rencontre se déroulait à l'Espace convivial du Centre Taiclet de Luxeuil, où, par "La puissance discrète du hasard" (expression empruntée à Denis Grozdanovitch) étaient exposées des photographies de Jean-Louis Bajolet. Et que c'est grâce à une coïncidence inouïe que Guy et Jean-Louis qui s'étaient perdus de vue et ne s'étaient pas rencontrés depuis quarante ans au moins (époque de leur service militaire durant laquelle ils nouèrent une profonde amitié et eurent une activité autour de la lecture), ont eu la joie de se retrouver. Autant dire que la rencontre, portée par leur amitié de longue date, en fut d'autant plus riche et chaleureuse.

 

*Il est possible de se procurer Voyage au pays de Colomban à l'office du tourisme de Luxeuil.

 

 

 

 

Rencontre avec Sylvie Pernod

 

Sylvie Pernot à Luxeuil - Photo: Marie-Françoise Godey
Photo: M-F. G

Sylvie Pernot
rencontrait en voisine 
les membres du
Café Littéraire luxovien, 
l'après-midi du 20 février 2015, 
au Centre Social Saint-Exupéry
1 rue Salvador Allende à Luxeuil

      Sylvie Pernot, jeune femme franc-comtoise d'une quarantaine d'années qui affectionne les histoires d'amour a écrit son premier roman à 17 ans sur la machine à écrire de sa grand-mère et depuis ne s'est plus arrêtée. Pourtant, c'est seulement depuis 2006 qu'elle a décidé de faire publier ses écrits. Les premiers, à titre confidentiel, les suivants en un peu plus grand nombre pour tenter de toucher éditeurs et public. 
      À l'heure actuelle, ce sont quelques six ouvrages qu'elle a à son actif. Nouvelles, romans sentimental, fantastique, érotique et policier.  
      En ce qui concerne ses deux derniers titres parus fin 2014, un polar qui se situe sur le Plateau des Mille étangs intitulé "Mille Tourments" et un roman érotique "Le Miroir aux cinq senteurs", qu'elle dit s'être amusée à écrire comme une petite folle,
Sylvie Pernot confie: «Ils sont auto édités, c'est à dire que je les ai écrits, mis en page, portés chez un imprimeur. Ils sont mes bébés du début à la fin. Épuisée d'écrire et de ne jamais parvenir à être lue, de prospecter auprès des éditeurs sans jamais parvenir à les satisfaire, je voulais finir en beauté sur deux textes qui font l'actualité littéraire, le polar depuis des décennies et l'érotique, car il y a toujours des vagues, des effets de mode. »
      En cela Sylvie Pernot est l'exemple même de ces auteurs écœurés de ne pas trouver d'éditeur qui, croyant en leur texte, se décident à le faire éditer à leur frais. Cela de nos jours est tellement facilité grâce aux logiciels de traitements de textes et Internet que c'est à la portée de presque tout un chacun, bien souvent au détriment de la qualité littéraire... 
      Mais peut-être que ce qui rebute les éditeurs, ce sont en grande partie les fautes d'orthographe grammaticale de Sylvie Pernot qui n'est pas de formation littéraire, et la présentation toute personnelle de ses textes qui ne respecte pas les règles typographiques. Car, même si les férus de romans policiers décèlent certaines incohérences dans Mille Tourments, ses histoires se tiennent et mériteraient d'être revues et corrigées dans le menu. 
      Investissement  coûteux que les petits éditeurs locaux ou que les éditeurs de romans roses destinés à la masse ne sont pas prêts à faire. D'autant que ses écrits, trop compliqués pour ce genre d'éditions, requièrent une grande attention de la part du lecteur qui, de prime abord, a du mal à se retrouver parmi les personnages. Le style de Sylvie est en effet rapide, tout en dialogues, où sont perçus les embarras ou hésitations des protagonistes directement par leur biais plutôt que par le recours à un narrateur, même pas pour annoncer qui s'exprime. Ce qui engendre une ponctuation traduisant plus le souffle des personnages que se conformant aux règles admises. 
      Bref, les oeuvres de Sylvie, très visuelles en somme, tiennent plus du scénario que du texte littéraire abouti. Ses ouvrages, rapidement écrits, trop peut-être et sous le coup de l'impulsion, deux mois annonce-t-elle pour Mille Tourments, pourraient être sujets de téléfilms grand public, comme on en voit tant... Ils gagneraient à être améliorés... Nous lui avons conseillé de se faire relire et corriger par plusieurs personnes compétentes, ainsi que par des professionnels des domaines des thèmes qu'elle aborde. Ce qu'elle est décidée à faire à l'avenir... Car Sylvie Pernot, bien consciente de ses lacunes, acceptant les remarques lui permettant de progresser, est tellement passionnée par l'écriture qu'elle garde toujours espoir et ne s'arrêtera pas là.

 

 

Rencontre avec Arnaud Friedmann

Arnaud Friedmann
était l'invité du
 Café Littéraire luxovien, 
 l'après-midi du 28 février 2014, 
au Centre Social Saint-Exupéry
(ex. CLEC)
rue Salvador Allende à Luxeuil

(lien vers la table d'auteur de 2013)

(lien vers la seconde rencontre de 2017)

Arnaud Friedmann à Luxeuil - Photo: Marie-Françoise Godey
Photo: M-F. G

 

      Arnaud Friedmann, jeune, enjoué et décontracté répondait de façon fort sympathique à l'invitation du Café littéraire luxovien, et ce, d'autant plus volontiers que, travaillant à Saint Dié des Vosges dans une structure liée à l'emploi, la ville de Luxeuil-les-Bains est située sur le trajet qu'il emprunte deux fois par semaine pour aller et revenir de Besançon, sa ville natale et universitaire dans laquelle effectua toutes ses études.

      Arnaud Friedmann, convié à parler tour à tour de ses six romans parus et de ses nouvelles, précisa ce qui les avait inspirés et quelles étaient ses idées de départ. Tirés parfois de faits divers tissés par lui ensemble, y évoluent des personnages bien contemporains, insatisfaits de leur vie trop banale et monotone, des personnages à la limite de la folie, que lui-même ne trouve guère sympathiques. Ses personnages, Arnaud Friedmann ne les décrit pas physiquement. Ne donne pas d'indication de couleur de cheveux, de taille, de couleur ou de forme des yeux etc., ou exceptionnellement. D'ailleurs dans la vie, il ne s'attache pas à ces détails et confie avoir du mal à identifier les gens. C'est ce qu'ils pensent qu'il essaie de comprendre. Le pourquoi de leur comportement. Leurs pensées, leurs rêves insatisfaits mènent l'intrigue. Avec de tels personnages, ses romans sont sombres, ou y virent, même quand il tente qu'ils le soient moins, sans qu'il sache vraiment ce qui le pousse vers ce versant au fil de son écriture. 
      Écriture sans plan d'ailleurs. Lorsqu'il a la base, l'auteur écrit son roman d'une traite en trois semaines pendant ses vacances qu'il passe en Italie depuis l'enfance, consacrant alors cinq à huit heures par jours à le faire, se privant de plage ou autre distraction, portant ses personnages dans toutes ses actions... Ensuite il reviendra dessus pour le retravailler, l'améliorer l'alléger,  etc. Plusieurs fois si nécessaire.
 Il essaye que la phrase corresponde au rythme des personnages. C'est la correction qui donne le rythme rapide, saccadé.  Ainsi, écrits dans une prose précise et sûre, sans trop de descriptions : «J'aime donner des éléments pour que les gens imaginent. Je donne peu de détails», ses romans sont faciles à lire, tiennent le lecteur en haleine du début à la fin, curieux d'en savoir l'issue. 
      Y
entre beaucoup de psychologie.
      «Peut-être qu'il m'est plus facile d'écrire sur des situations sombres, mais je ne suis pas du tout psychologue, j'essaie par le ressenti des personnages ou l'intuition, d'illustrer ces situations». Déchirement de couples, enfants en quête d'identité, femmes bizarres, mères, adoptives ou enceintes… Les mères tiennent en effet la plus grande place dans ses
œuvres, les enfants aussi et leur devenir entre acquis et inné, éducation et hérédité, les pères y sont le plus souvent absents ou ternes, la communication ne se fait pas ou difficilement entre les êtres. Tels sont les thèmes de ses romans qu'il estime trop durs pour être lus par des adolescents. Des textes qui l'ont, pour certains, lui-même perturbé, confiant avoir du mal à assumer avoir écrit certaines scènes… Il n'auto analyse pas ses livres, laissant ce soin aux autres, il se contente de les écrire.      

Arnaud Friedmann à Luxeuil - Photo: Bernadette Larrière
Photo: Bernadette Larrière

      «Mais si j'écris des choses sombres, dans la vie je ne suis pas du tout mélancolique. C'est parce que je me libère et que je vous en fait porter la charge, vous lisez pour récupérer tous les problèmes, moi ça va.», ajoute-t-il avec humour. 

      Écrire, l'enfant unique et solitaire qu'il fut, qui n'eut accès à la télévision qu'à l'âge de seize ans et fut donc grand lecteur, Arnaud Friedmann le fait depuis l'adolescence. C'est donc pour lui, qui est de caractère gai et loin d'être mélancolique, une manière de se décharger. Mais de quel poids ? Il ne le précise pas.

 

      De visage presque angélique et au caractère tout opposé à celui de ses personnages, généreux de son temps, aimant et recherchant les contacts humains et les échanges avec ses lecteurs, Arnaud Friedmann s'est longuement exprimé, parsemant avec humour ses propos de quelques anecdotes pour le plus grand plaisir des personnes présentes, répondant aux remarques et questions, donnant son éclairage sur ses oeuvres, construites de sorte que chaque lecteur puisse les interpréter selon sa propre sensibilité...
      S'il est des auteurs qu'il vaut mieux lire sans les rencontrer, ce n'est certes pas le cas d'Arnaud Friedmann, même si les sujets de ses romans, durs, prêteraient à le croire. 
      Romans qui révèlent au fil des ans un auteur de talent. Le prouvent : "Jeanne en Juillet" (éd. de La Boucle) qui reçu le prix de la ville de Lunéville en 2010, comme "Grâce à Gabriel" (paru également aux éd. de la Boucle en 2012 après avoir failli paraître chez Grasset et JC Lattès), qui obtint le prix France Bleu du Livre Franc-Comtois aux Mots Doubs de 2012. Enfin, son dernier roman "Le tennis est un sport romantique", accepté par la grande maison d'édition parisienne JC Lattès, paru en septembre 2013. 
      Bref, un auteur à suivre.

 

Arnaud Friedmann à Luxeuil - Photo: Marie-Françoise Godey
Arnaud Friedmann entouré de quelques membres et amis du Café littéraire luxovien /Photo M-F.G

 

Rencontre avec Patrick Samuel

 

Patrick Samuel à Luxeuil © Anne-Sarah Ballu-Samuel
Photo: Anne-Sarah Ballu-Samuel

Patrick Samuel invité 
du Café littéraire luxovien
le 20 septembre 2013
au CLEC/rue Salvador Allende
à Luxeuil
-les-Bains

      C'est fort aimablement que Patrick Samuel, qui a fait ses études secondaires au lycée Mathy de Luxeuil dont il est originaire avant d'intégrer HEC, Sciences Po et l'ENA, puis de mener une carrière de haut fonctionnaire et de diplomate en Afrique et en Asie, s'est prêté aux questions des membres du Café littéraire luxovien sur ce qui fut son travail de diplomate et leur a présenté les grandes lignes qui sous-tendent son ouvrage : L'errance du sanglier, paru en 2012 aux éditions Tensing, après qu'il eût publié en 2000 une biographie de Michel Debré intitulée : L'architecte du Général.

      Grand lecteur de Proust, Patrick Samuel connaît et emploie encore la belle écriture, en phrases longues qui permettent certaines précisions, les digressions, la flânerie…, à l'inverse de l'écriture "rapide" et plus facile de la plupart des livres d'aujourd'hui…
      Comme Proust, plusieurs fois cité dans son ouvrage, il est à la Recherche… Il a lu et relu cet auteur en tous sens, après quoi, ,
«considérant qu'après Proust il était difficile de dire plus et mieux, je me suis détourné de la lecture de romans psychologiques», nous confie-t-il.

      Ce fut une histoire à lui contée sur un personnage qu'on dénommait Gros Nez Rouge, qui a réellement existé mais qu'il n'a jamais rencontré, et sa propriété dévastée par un sanglier qui déclancha l'écriture de son livre. Sur ce point de départ, Patrick Samuel a brodé, profitant du récit pour régler des comptes, beaucoup avec sa mémoire.
      L'errance du sanglier, qu'il reconnaît s'être amusé à rédiger, et ce, relativement vite, est prétexte en effet à donner corps à ses souvenirs «car pour ce qui me concerne, mes souvenirs ne peuvent prendre vraiment corps qu'à travers l'écriture, dit-il, conscient aussi que si l'écriture les recrée, elle les transforme.

      Il place son récit dans différents lieux où il a vécu, desquels il nous a longuement parlé. L'Italie notamment qu'il aime beaucoup. Le Sénégal. Il travailla à Dakar et a apprécié la gentillesse des sénégalais et leur grand respect des personnes âgées. Jakarta à l'atmosphère polluée, où l'on vit en vase clôt, où il n'y a pas de trottoirs, où l'on passe d'une galerie marchande à une autre de sorte que ses deux filles, qui sont nées à l'étranger, lorsqu'elles sont revenues en France, ne savaient pas traverser une rue. Sa fille aînée qui l'accompagnait en a témoigné, ainsi que de la difficulté pour la fille de diplomate à la jeunesse dorée qu'elle était, de se faire accepter par les élèves à son retour en France.

Patrick Samuel à Luxeuil - Photo Jeanne P

 

 

 

 

 

 

 

 

Patrick Samuel en compagnie 
de sa fille Anne-Sarah Ballu-Samuel
Photo: Jeanne Parat.

      L'un des personnages de L'errance du sanglier est un immigré sénégalais que le narrateur croise et recroise au fil de ses pérégrinations. Un deuxième, également émigré, est la réalisatrice Mégara. Patrick Samuel nous a confié s'être inspiré du tournage dramatique du film Apocalypse Now de Coppola pour écrire son histoire.
      Il met en scène d'autres personnages, chacun mêlé de traits et comportements de plusieurs autres qu'il a connus, les rendant plus ou moins méconnaissables, tel certain ambassadeur fait de plusieurs.
      Un personnage d'une espèce particulière, qui prend de plus en plus d'importance au fil des pages, c'est le sanglier, sur lequel Patrick Samuel s'est énormément documenté, que l'on retrouve dans tous les pays sous ses diverses formes et accommodements culinaires. Cette importance est venue au fur et à mesure de l'écriture, sans être voulue au départ. Et, coïncidence troublante, ou "puissance discrète du hasard" ?, un sanglier perturba réellement un palio dans une ville d'Italie peu après l'écriture de son livre… et le jour même de notre réunion, un marcassin, à Luxeuil, croisa la route de l'auteur alors qu'il s'y rendait.

      Le narrateur, comme le sanglier donc, en errance, c'est un peu, mais un peu seulement, Patrick Samuel, puisqu'il s'agit ici d'autofiction et non pas d'autobiographie, même si le livre commence par "Appelez-moi Samuel", en clin d'œil au Moby Dick d'Hermann Melville.
      Pourquoi avoir choisi l'autofiction ? Parce que la poésie est difficilement éditable, de même que les biographies mièvres où l'on met en scène, tel ou tel personnage de sa propre famille. Et parce que, sur lui-même, Patrick Samuel est très réservé.

      Le narrateur de L'errance du sanglier est en effet surtout observateur et s'il est très peu impliqué dans ce qui arrive, parfois de dramatique, aux protagonistes hauts en couleurs qu'il croise, c'est que Patrick Samuel, très discret sur lui-même, ne fait pas étalage de ses propres sentiments, ne le saurait pas. Même si la chute d'une phrase toute simple comme par exemple celle où il évoque sans la nommer la ville de Luxeuil-les-Bains où il est né, est lourde de tout un non-dit : "J'avais toujours aimé les jardins : ceux des villes d'eaux comme celle où j'étais né avec leurs parterres souvent trop fleuris et trop dessinés et les bancs sur lesquels les vieilles dames en cure tuent le temps d'ennui qui leur reste." Le lecteur pense à leur attente lors de ces longues journées de cure, bien sûr, mais entrevoit plus loin, le temps qui leur reste à vivre, celui parfois pesant de l'extrême vieillesse… Le livre est comme cela, empli de sentiments voilés, à deviner. Mais sur ce point, Patrick Samuel ne nous confiera rien…

      À la retraite depuis le 5 juillet 2013, le haut fonctionnaire qu'il était vient de voir brutalement sa vie changer, et se sent un peu comme son narrateur, en errance… en attendant de reprendre ses marques. Il confie s'être toujours senti plus ou moins en contradiction avec lui-même. Alors qu' il rêvait de mener une vie aventureuse, de risque et d'imprévus, il a mené, dit-il, une longue carrière conventionnelle dans la diplomatie après des études de bon élève obéissant… 
      C'est peut-être pour cela qu'il s'est mis à écrire et continuera sans doute. Il a en tête l'idée d'un autre livre qui sera cette fois un "vrai roman", précise-t-il, cette fois historique, dont il n'a en tête pour l'instant que les grandes lignes, et qu'il se fera un plaisir de venir nous présenter. Mais il faut que l'idée mûrisse… Qu'il l'écrive… 

 

Patrick Samuel à Luxeuil © Anne-Sarah Ballu-Samuel
Patrick Samuel entouré de quelques membres du Café littéraire luxovien
Photo: Anne-Sarah Ballu-
Samuel

 

 

Rencontre avec Jean-Philippe Bernié

 

Le Café Littéraire luxovien, accueillait 
Jean-Philippe Bernié
pour une deuxième rencontre
 l'après-midi du 
27 août 2013 au CLEC
rue Salvador Allende à Luxeuil

(lien vers la première rencontre)

Jean-Philippe Bernié à Luxeuil © M-F G
Photo: Marie-Françoise Godey

par Marie-Françoise:

      Jean-Philippe Bernié, qui s'est lancé dans l'écriture depuis plus d'une dizaine d'années, n'est pas de formation littéraire. Après avoir obtenu un Doctorat de génie chimique à Toulouse, d'où il est originaire, et avoir poursuivi des recherches à l'Université McGill à Montréal, où il vit, il est actuellement Consultant et place ses récits dans son univers, celui de la recherche universitaire. Il est prêt à mettre tout en œuvre et à donner beaucoup de son temps pour écrire de bons livres et les présenter aux lecteurs.

      Accueilli pour la deuxième année consécutive lors de son séjour d'été en France par les membres du Café littéraire luxovien à l'occasion de la parution du deuxième tome des aventures de son héroïne Claire Lanriel, J'attendrai le temps qu'il faudra, c'est de manière claire et sympathique, avec son charmant accent toulousain, que l'auteur a dévoilé le côté technique des mises au point successives que nécessita son manuscrit avant parution.

      Publié aux éditions québécoises La courte échelle, il a effectué ces remaniements avec l'aide de sa directrice littéraire, Geneviève Thibault, en ce qui concerne la cohérence du récit, les allègements, afin de ne garder, et d'ordonner si besoin en était, que ce qui est nécessaire à sa compréhension et à sa progression… C'est elle aussi qui a proposé le titre J'attendrai le temps qu'il faudra, plus accrocheur que Château de cartes, sous lequel Jean-Philippe avait provisoirement intitulé son fichier de travail. Puis avec Hélène Ricard, la réviseure, il a travaillé sur le mot à mot avant que le manuscrit ne soit confié au metteur en page qui se chargea de la vérification des tirets, eut le souci d'éviter les lignes veuves ou orphelines (c'est-à-dire les dernières et premières lignes d'un paragraphe isolées en haut ou en bas de page), etc., ce qui nécessita encore quelques légères modifications dans le texte. Mais Jean-Philippe Bernié n'est pas de ces auteurs qui n'admettent pas qu'on change la moindre virgule à leur écrit, il accepte au contraire tout ce qui peut améliorer le récit, tout en restant maître de son texte. Aucune modification d'ailleurs n'a été faite sans son accord.

Les membres du Café littéraire avaient eu préalablement à la rencontre
 accès à trois versions des premières pages du manuscrit. 
Jean-Philippe Bernié en a expliqué les principales annotations.

Manuscrit annoté 
par la directrice littéraire:

Manuscrit annoté par JPBernié 
et par la réviseure:

Édition finale:

 

Exemple de suggestion pour éviter 
les lignes veuves ou orphelines:

      Ces mises au point, coûteuses en dizaines d'heures de travail de personnel pour la maison d'édition, sont pour celle-ci un investissement, puisqu'elles forment l'auteur qui sera à même par la suite de lui présenter des manuscrits presque aboutis. Car si La courte échelle a accepté de publier l'an dernier le premier volume de Jean-Philippe Bernié intitulé  Quand j'en aurai fini avec toi , c'est parce que son auteur ne veut pas se borner à un ou deux titres, mais envisage une série à long développement et accepte d'écrire également des romans pour le secteur jeunesse, car pour lui, «les romans jeunesse ne sont pas un sous-produit, mais des romans pour adultes qui peuvent être lus par des jeunes».

      Il travaille en effet déjà sur le manuscrit du tome 3, attendu par l'éditeur pour février, qu'il écrit concomitamment à trois livres pour la jeunesse. Ce tome 3, il en avance l'écriture sans plan préconçu, mais en ayant établi ce qu'il appelle une "Bible des personnages", c'est-à-dire une fiche pour chacun d'entre eux, car il doit bien les connaître, savoir toujours ce qui se passe dans leur tête, montrer les traits importants de leur caractère, afin que leur comportement, soit cohérent au fil du livre en cours, et des suivants. Ce volume, confie Jean-Philippe, clora la trilogie des intrigues pour le pouvoir qui se nouent au sein de l'université Richelieu à Montréal. Université imaginée par l'auteur, qui nous dévoile penser dans le futur tome 4, garder son héroïne, Claire Lanriel, mais la situer dans son enfance. Un pan de sa jeunesse était d'ailleurs, bien qu'à peine, évoqué dès le premier volume. Cette nouvelle perspective permettra sans doute de découvrir ce qui a forgé son caractère, ce qui l'a amenée à être la scientifique obstinée qu'elle est, l'a rendue ambitieuse, lui faisant briguer les hauts postes du professorat universitaire et faire ce qu'il faut pour y parvenir quitte à exploiter quand ce n'est écraser ses collègues et étudiants.

      Pour l'aider à apprendre les ficelles du métier, et lui permettre d'identifier ce qu'il écrit intuitivement et donc de mieux faire, sa directrice littéraire lui a conseillé un ouvrage théorique de référence : La Dramaturgie, les mécanismes du récit, d'Yves Lavandier. Ouvrage très intéressant pour comprendre la structure d'un texte de fiction même s'il est empli d'exemples tirés le plus souvent du théâtre ou des scénarios de films. Jean-Philippe nous en a cité quelques-uns pour nous expliquer les étapes de l'avancée dans l'œuvre à partir de l'événement déclencheur, ou l'ironie dramatique qui consiste en le fait que le lecteur sait ou devine des éléments que les protagonistes ne savent pas. Il faut dire que Jean-Philippe Bernié écrit de façon linéaire et qu'il se place du côté du narrateur omniscient. Il n'emploie pas le "Je". Son écriture est rapide, cinématographique, dans le sens où ses œuvres, qui s'apparentent à la catégorie polar ou thriller, pourraient très bien être adaptées pour le cinéma ou une série télévisée. Mais pour cela, qui pourrait seulement commencer à rapporter de l'argent, il faudra qu'il tienne le rythme et produise au moins cinq à dix tomes à succès. Ensuite peut-être pourra-t-il vivre de son écriture ?

      Il opine de la tête lorsqu'on lui fait remarquer que sa maison d'édition est en train de faire de lui une machine à produire… Et si on lui demande «Qu'est-ce pour vous qu'un bon livre?» Étant lui même grand lecteur, il répond : «Celui qui vous fait rater votre station de métro. Et un très bon livre, celui qui vous la fera rater encore dans cinquante ans».

      Souhaitons que ses œuvres seront de ces dernières, en tout cas, pour l'heure, lorsqu'on commence l'un de ses thrillers, qui peuvent se lire séparément sans que cela nuise à la compréhension, on ne repose pas le livre avant d'en avoir terminé la lecture.

 

Jean-Philippe Bernié au Café littéraire luxovien© M-F G
Jean-Philippe Bernié entouré de quelques membres du Café littéraire luxovien / Photo M-F G

 

(Lien vers la première rencontre de juin 2012)


d'autres rencontres

 

Accueil Calendrier  /   Expositions  /  Lectures /
Rencontres  Auteurs
A propos
  / Entretiens  / Sorties / Goûterlivres